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Genèse & Production
Avant la Première Guerre Mondiale, le mécanicien Charles Marius Fouché coopéra avec l'ingénieur Édouard Quellennec et le fils de ce dernier Jacques Quellennec pour adapter les tracteurs à chenilles existants aux conditions de l'agriculture égyptienne et française, dont le modèle Holt 75. Dans ce contexte, en 1914, des contacts furent pris avec l'ingénieur Eugène Brillié de la société Schneider pour adapter le tracteur à chenilles flexibles Castéran. Lorsque la guerre éclata cette année-là, Jacques Quellennec fut enrôlé comme sergent d'infanterie, voit la plupart des hommes de son unité se faire massacrer lors de la Première Bataille de la Marne puis est grièvement blessé fin octobre. Pendant sa convalescence, il conçoit les plans d'un tracteur blindé armé d'une mitrailleuse et capable de détruire les nids de mitrailleuses allemandes. Beaucoup à cette époque avaient des idées comparables mais contrairement à la plupart, Quellennec avait d'excellents contacts. Fouché était devenu sous-lieutenant au Grand Parc Automobile de Réserve du Service Automobile, la branche de l'Armée chargée de la motorisation, et Brillié était dessinateur en chef chez l'un des principaux armuriers français. Début décembre, Quellennec rencontra Fouché à Paris et tous deux se rendirent ensuite à Brillié pour présenter des dessins d'un véhicule blindé de combat chenillé. Au cours d'une deuxième visite, Quellennec exhorta Brillié à faire venir en France 2 tracteurs Holt 75, alors présents en Tunisie, afin d'effectuer les premiers essais. Brillié se montra peu enthousiaste à l'idée, objectant qu'il n'y aurait pas assez de place sur un tracteur pour l'équipage et l'armement. En février 1915, Quellennec fut envoyé dans une base d'entraînement de l'Armée de l'Air et chargea Fouché d'essayer de convaincre Brillié, sans grand succès apparent.
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Tracteur d’artillerie Holt 75. -
Entre-temps, la société Schneider avait reçu l'ordre de développer des tracteurs d'artillerie lourde en janvier 1915. Le 30 janvier, elle envoya son concepteur en chef, Brillié, étudier les tracteurs à chenilles de la société américaine Holt, qui participait alors à un programme d'essais à Aldershot en Angleterre. À son retour, Brillié, qui avait auparavant participé à la conception de véhicules blindés pour l'Espagne, apparemment sans mentionner avoir été influencé en cela par Quellennec, convint la direction de l'entreprise d'engager des études sur le développement d'un véhicule blindé de combat, basé sur le châssis Baby Holt, dont deux furent commandés. Le modèle était destiné à être vendu à la cavalerie française.
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Premières expériences avec un tracteur adapté Killen-Strait Tractor, bois de Wormwood Scrub, 1915. -
Les expériences sur les chenilles Holt débutèrent en mai 1915 à l'usine Schneider avec un modèle à roues de 75 ch et la chenille intégrale Baby Holt de 45 ch, montrant la supériorité de cette dernière. Le Castéran et le Killen-Strait Tractor furent également testés mais rejetés. Les travaux commèrent désormais sur une mitrailleuse automotrice blindée à chenilles. Le 16 juin, de nouvelles expérimentations s'enchaînèrent devant le président de la République Raymond Poincaré, aboutissant à la commande de 6, puis étendus à 10 véhicules blindés chenillés pour des essais complémentaires. Le modèle était depuis juillet appelé machine offensive à chenilles et était basé sur le Baby Holt avec une suspension qui devait être allongée de 30 cm. En août, des dessins furent faits de ce qui était maintenant désigné comme le tracteur blindé et armé. En septembre 1915, le programme Schneider fut associé à un programme officiel de mise au point d'un coupe-fil barbelé blindé par l'ingénieur et député Jules-Louis Breton, la machine Breton-Prétot. Dix des 15 Baby Holt disponibles devaient être blindés et équipés du coupe-fil dont 10 systèmes avaient été commandés le 7 août. Cela impliqua le Service Automobile dans le projet. Le 10 septembre, de nouvelles expériences furent faites pour le Commandant L. Ferrus, un officier qui avait participé à l'étude (et finalement au rejet) du projet de char Levavasseur en 1908.
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Machine coupe-fil Breton-Prétot lors des essais, juillet 1915. -
Le 9 décembre 1915, dans le cadre de l'expérience Souain, un prototype de char blindé Schneider, un châssis Baby Holt avec blindage en plaque chauffante, fut présenté à l'Armée Française. Parmi les spectateurs se trouvaient le général Philippe Pétain et le colonel Jean Baptiste Eugène Estienne, un artilleur et ingénieur tenu en très haute estime dans toute l'armée pour son expertise technologique et tactique inégalée. Les résultats du char prototype furent, du moins selon Estienne, excellents, faisant preuve d'une mobilité remarquable sur le terrain difficile de l'ancien champ de bataille de Souain. La longueur du Baby Holt semblait cependant trop courte pour franchir les tranchées allemandes, justifiant le développement de chenilles plus longues pour le projet de char français. Pour Estienne, le véhicule présenté incarnait les concepts de véhicules blindés de combat qu'il préconisait depuis août 1914. Déjà le 1er décembre, Estienne avait proposé au Haut Commandement Français l'utilisation de tracteurs blindés à chenilles pour déplacer l'infanterie, l'équipement et le canon sur le champ de bataille, après avoir effectué quelques essais avec des tracteurs à chenilles britanniques. Le 11 décembre, Estienne fit dessiner à un certain lieutenant Thibier l'esquisse de 2 conceptions : celle d'un châssis Baby Holt équipé à l'avant et à l'arrière de rouleaux auxiliaires, pour améliorer la capacité de franchissement de tranchées ; l'autre d'une suspension allongée protégée par des blindages latéraux. Le 12 décembre, Estienne présenta au Haut Commandement, représenté par le général Maurice Janin, un projet de constitution d'une force blindée équipée de véhicules chenillés. Il y formule quelques spécifications. Les engins devaient peser 12 t, protégés par 15 à 20mm de blindage. Les dimensions des véhicules étaient indiquées comme 4 de long, 2,6 de large et 1,6 m de haut. Un moteur de 80 ch devrait permettre une vitesse max de 9 km et une vitesse basse de 3. Le véhicule devait pouvoir traverser une tranchée de 2 m de large et tracter un traîneau blindé de 7 t transportant 20 hommes avec armes et équipement. Son armement devait être composé de 2 mitrailleuses et d'un canon de 37mm, capables de contrevenir aux mitrailleuses ennemies. L'équipage totaliserait 4 hommes.
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Dessins de chars commandés par le colonel Estienne juste après l'expérience Souain. Les plans sont essentiellement basés sur le Holt Caterpillar de 45 ch, mais une petite photo du modèle Holt 75 est jointe, dessinés le 11 décembre 1915. -
Le 20 décembre, Estienne, en congé à Paris, et Ferrus rendirent visite à Louis Renault à Boulogne-Billancourt, essayant en vain de convaincre le constructeur automobile de s'impliquer dans la production du nouveau système d'arme. Plus tard dans la même journée, ils reçurent Brillié qui leur révéla le travail déjà effectué par Schneider sur son projet. La commande d'août de 10 véhicules avait été confirmée le 7 décembre ; le 15, le contrat officiel était signé. Le 22 décembre, Schneider commença à préparer la production de véhicules blindés. Il indiquait qu'il avait la capacité de fabriquer au total 300 à 400 unités en 1916. À ce stade, le projet Schneider envisageait un véhicule de 10 t, armé d'un canon de 75mm, protégé par de l'acier chromé de 10mm et propulsé par un moteur spécialement développé de 50 ch permettant une vitesse de pointe de 7 km/h. Le 27, la conception papier fut adaptée pour incorporer certaines des idées d'Estienne ; comme les dessins originaux ne furent pas retrouvés, il est impossible de déterminer dans quelle mesure cela fut effectué. Le même jour, de nouveaux essais eurent lieu avec le tracteur Baby Holt à Vincennes ; le lendemain, Estienne précisa sa proposition au Haut Commandement. Le prototype fut équipé d'extensions à l'avant et à l'arrière pour améliorer sa capacité de franchissement de tranchée et testé avec succès le 5 janvier 1916. Le plan d'Estienne rencontra l'approbation du commandant en chef Joffre qui, le 7 janvier 1916, propose la production d'un « moteur offensif » au ministre de l'Armement Albert Thomas. Le 18, Estienne fut reçu personnellement par Joffre pour préciser ses idées. Dans une lettre au ministère du 31 janvier 1916, Joffre souhaite la production de 400 chars du type proposé par Estienne. Bien qu'il y ait eu une longue phase de développement préalable avec la société Schneider, le rôle décisif d'Estienne dans la production en série du véhicule Schneider lui valut une place traditionnelle dans l'histoire en tant que créateur du premier char français. Ceci fut relativisé par son implication limitée dans sa conception technique ; dès janvier 1916, la réalisation proprement dite fut confiée à un bureau ministériel dirigé par le général Léon Augustin Jean Marie Mourret, directeur du Service Automobile des Armées. Mourret ne collabora pas étroitement avec Estienne, qui fut essentiellement exclu des décisions de nature technique.
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Dernier essai tout-terrain avant la commande massive du Schneider C.A.1 le 25. Le véhicule à 8 galets est représenté. L'homme qui enjambe la tranchée avec ses bras est Fouché, 21 février 1916. -
En janvier, il fut décidé de fabriquer une suspension plus longue. Schneider avait, déjà avant le 9 décembre 1915, imaginé un système allongé de 30 cm avec 7 galets au lieu de 5. Mourret ordonna de construire un système alternatif. Deux tracteurs Baby Holt, faisant partie de la commande de 15 par Schneider le 21 septembre 1915, et propriété de l'État Français, se trouvaient pendant 2 semaines à partir du 2 février dans un atelier de l'armée réunis en un seul véhicule allongé, une chenille offensif allongé, par le lieutenant Charles Fouché, assisté d'une petite équipe de mécaniciens. L'atelier se trouvait dans l'usine Farman à Billancourt récupérée de la société Automobilette. Il était à nouveau environ 30 cm plus long que le modèle Schneider et comportait 3 bogies avec un total de 8 galets. Le nouveau système de suspension n'était pas basé sur des plans exacts mais improvisé par le soldat Pierre Lescudé. Le 17 février, le système à 8 galets, dont le prototype fut plus tard désigné Appareil n°1 Type A fut testé à Vincennes, traversant facilement des tranchées jusqu'à 1,75 m de large et surmontant des obstacles de fil de fer barbelé. Le 21 février, des tests réussis eurent lieu à Vincennes, Schneider fournissant un châssis Baby Holt non allongé à titre de comparaison. Il en fut conclu que le char était suffisamment développé pour justifier une commande de production. Le 25 février 1916, le Ministère de la Guerre ordonna secrètement la production de 400 tracteurs chenillés et blindés Schneider, au prix de 56 000 francs germinal par véhicule. Pour des raisons de sécurité, on prétendit qu'il s'agissait de simples véhicules de remorquage : les tracteurs Estienne. La commande antérieure du 15 décembre pour 10 véhicules fut remplacée. Fouché reçut l'ordre d'améliorer le prototype, ce qui aboutit à un L’Appareil n°1 Type B légèrement modifié, testé le 2 mars. D'autres changements, incluant désormais des blindages latéraux improvisés s'étendant vers l'avant dans un arc, créant L’Appareil n°1 Type C ou Machine Profilée qui fut testé le 17 mars. Le 27 février, Schneider avait été sollicité pour fournir une première superstructure blindée en acier chaudronné, qui fut placée fin mars sur le châssis à 8 galets. Des images de ce véhicule furent souvent présentées dans des livres comme montrant le « premier prototype Schneider CA ». Cependant, toute cette ligne de développement, même si sa commande officielle était basée sur elle, ne serait pas ancestrale au char Schneider. Au printemps 1916, pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires, il y eut une brouille fondamentale entre l'Armée Française et Schneider. Cette dernière développera et produira son char sur la base de son châssis à 7 galets, qui avait été breveté le 17 janvier ; l'Armée développerait le système à 8 galets dans le char Saint-Chamond. Dans le contrat initial du 25 février 1916, il avait été stipulé que les 400 unités seraient livrées la même année : les cent premiers le 25 août et les derniers le 25 novembre, complétant la commande complète en 9 mois. Parce que Schneider n'avait aucune expérience dans la production de véhicules de combat blindés à chenilles et qu'un véritable modèle pilote manquait, c'était très optimiste. Schneider s'attendait à pouvoir employer l'autre grand producteur d'armes français, les Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt, en tant que sous-traitant, mais ils avaient développé une conception de char plus lourd, le Saint-Chamond. En conséquence, le premier prototype ne pouvait être présenté au Ministère de l'Armement que le 4 août. La filiale Schneider, Société d'Outillage Mécanique et d'Usinage d'Artillerie (SOMUA) à Saint Ouen près de Paris ne pouvait terminer le premier châssis de véhicule que le 5 septembre, qui fut livré au centre de formation de Marly le 8 septembre avec le premier test de l'armée effectué le 12 septembre. À la date limite initiale du 25 novembre, seuls 8 véhicules avaient été livrés ; le 4 janvier 1917, 32 étaient présents. Pour aggraver les choses, il s'agissait de véhicules d'entraînement, non équipés d'un blindage renforcé mais d'une plaque chauffée ordinaire. Fin janvier, la production reprit, atteignant 3 ou 4 unités par jour. Cependant, elle ralentit bientôt à nouveau car le nouveau commandant en chef, Robert Nivelle, ordonna que la priorité soit donnée à la fabrication du tracteur de remorquage Schneider CD. En conséquence, la production passa de 70 chars entre le 28 janvier et le 27 février à 60 entre cette dernière date et le 28 mars et seuls 20 véhicules supplémentaires furent fabriqués jusqu'au 12 avril. Le 15 mars, l'armée avait accepté 150 chars ; au 1er avril, 208, au 1er juin, 322. Puis la production s'arrêta presque, à la fois en raison d'une perte d'intérêt et pour maintenir un approvisionnement suffisant en pièces de rechange. Le total atteignit 340 le 30 septembre, 370 le 1er décembre et 372 le 19. La commande complète ne sera achevée qu'en août 1918. Le coût final du projet s'élève à environ 50 millions de francs germinal. Les livraisons officielles d'usine étaient de 50 en 1916, 326 en 1917 et 24 en 1918. Parmi celles-ci, 397 furent transférées à l'Armée Française.
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Construction des caisses de Schneider C.A.1, Le Creusot, 2 décembre 1916. -
Au début de 1917, un véhicule fut livré en Italie. Il avait été commandé par les Italiens après que le capitaine Alfredo Bennicelli eut observé les premiers essais de l'Armée Française en septembre 1916 ; le véhicule unique fut testé en 1917 et déployé sur le front de Kras. Il fit bonne impression et à l'automne 1917 le Haut Commandement Italien souhaita soit l'achat de 20 Schneider, soit l'outillage capable de les produire. Ce plan fut abandonné après la lourde défaite de l'Armée Italienne à la Bataille de Caporetto. Son haut commandement envisageait désormais un nombre beaucoup plus important de chars, exigeant l'importation ou la fabrication d'environ 1 500 Schneider. Lorsqu'il devint clair que l'industrie française n'avait pas la capacité de réserve pour répondre à ces demandes et qu'elle dépassait de loin les possibilités de production nationale, il fut décidé de produire la Fiat 3000 plus petit, moins chère et plus moderne (une copie du Renault FT) à la place, dont 3 avaient été reçues en mai 1918.
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Sur ce dispositif STA-Fouché (une chenille avec 3 bogies et 8 galets) était montée une caisse factice en acier doux de celle dessinée par Brillé. -
Design
Le Schneider est en fait une boîte en acier blindée au-dessus d'un tracteur à chenilles. Il n'a pas de tourelle ; l'armement principal est un canon de fortification Blockhaus Schneider de 75mm dans une barbette dans le coin avant droit du char. Le côté droit avait été choisi car le mitrailleur devait se tenir à gauche du canon pour actionner le canon. Le type de canon a été développé à partir d'un mortier de tranchée de 75mm qui avait été adapté pour tirer à partir d'une position de fortification fixe en ajoutant un compensateur de recul et un bouclier de canon ; dans cette configuration, il pesait 210 kg. Ce canon court avait une longueur de seulement 9,5 calibres (71 cm). Il tirait l’HE standard français Mle 1915 de 75mm mais avec une charge propulsive réduite, raccourcissant la longueur totale de l’obus de 35 à 24,1 cm, permettant une vitesse initiale de seulement 200 m/s. La portée max du canon était de 2,2 km, la portée pratique était de 600 m et le char devait se rapprocher à moins de 200 m d'une cible pour un tir de précision. Dans son montage, le canon avait une rotation de 60°, une dépression de -10 et une élévation de 30°. Le char transportait 90 obus verticalement dans des bacs à droite du canon (20), coin arrière extrême droit (14), gauche du moteur (32) et coin arrière gauche (24).
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Poste de combat du Schneider C.A.1. -
L'armement secondaire était constitué de 2 mitrailleuses Hotchkiss M1914 de 8mm placées sur les flancs du char dans de grands supports à billes hémisphériques et reposant sur des pivots. La mitrailleuse droite est, en raison de la place nécessaire pour le canon principal, positionnée plus en arrière que celle de gauche. Les mitrailleuses ont une rotation de 106°, une dépression de -45 et une élévation de 20°. Un casier, dans le coin extrême gauche, contenait 4 000 cartouches de 8mm. En 1918, dans la pratique, 50 ceintures, chacune de 96 cartouches, étaient transportées pour un total de 4 800 cartouches.
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Vue sur le moteur Schneider. -
Arrière du char. -
Une autre caractéristique inhabituelle est le porte-à-faux incliné de la partie frontale du châssis qui a la forme d'un nez pointu, se terminant par un éperon d'acier élevé en saillie oblique. Il avait été conçu pour couper et écraser les barbelés allemands, ouvrant ainsi des passages pour suivre l'infanterie française, considérée à l'origine comme la fonction première du système. Ce long porte-à-faux pouvait amener le char à se coincer facilement. Le char mesure 6,32 m de long sur 2,05 m de large et 2,3 m de haut. Il n'y avait aucune séparation de l'équipage du moteur et de la transmission. La pièce à disposition de l'équipage, éclairée par 3 petites lumières électriques, est accessible par une double porte à l'arrière du char et est extrêmement exiguë. L'équipage était composé d'un commandant qui était également le conducteur ; un sous-officier qui était le mitrailleur, 2 mitrailleurs, un chargeur qui assistait à la fois le canon et les mitrailleuses et un mécanicien qui faisait également office de chargeur de mitrailleuses. Quatre de ces 6 hommes devaient, à leur poste d'affectation, s'accroupir à l'intérieur d'un espace de 1,5 m de haut entre le toit et le sol du char. Ils devaient alors se tenir à l'intérieur de 2 auges étroites, une, derrière le siège du conducteur, utilisée par le mitrailleur et une seconde carrée plus à l'arrière, entre les éléments de suspension, utilisée par le chargeur et les deux mitrailleurs. La plus grande partie de l'espace n'avait cependant qu'un mètre de hauteur entre le toit et le revêtement de transmission et de suspension : pour charger la bonne mitrailleuse, le mécanicien devait s'allonger sur le ventre. Chaque équipe de Schneider C.A.1 comprenait 3 carabiniers qui accompagnaient le char au combat. La protection intégrale était une plaque d'acier de 11,4mm d'épaisseur, améliorée plus tard par un blindage espacé de 5,4-5,5mm, faisant passer le poids de 12,5 à 13,5 t. Le toit était blindé de 5,5mm. Les plaques sont en partie rivetées ; la superstructure est en grande partie boulonnée.
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Compartiment principal. -
Le moteur à essence Schneider et son radiateur sont situés dans la partie avant du char, immédiatement à gauche du conducteur. Le moteur 4 cylindres, 135x170 cm, 9 753 cm3, fut spécialement construit pour le char. Il délivrait une puissance max de 60 ch à 1 000 tr/min. La boîte de vitesses à 3 rapports avant, ainsi que les différentiels, qui peuvent être enclenchés par des freins sur les demi-arbres pour diriger le char, sont tous situés sur l'essieu arrière. Ils sont reliés au moteur à l'avant par un arbre de transmission et un embrayage primaire. Un embrayage secondaire est couplé à chaque pignon et peut être découplé pour un virage serré. L'embrayage principal et les freins principaux peuvent être engagés par des pédales, l'accélérateur par une poignée. Au moyen d'un dispositif de marche arrière, les trois vitesses peuvent également être appliquées pour reculer. L’opération était généralement très fatigante et la transmission avait tendance à sauter de vitesse lorsque l'embrayage était engagé avec trop de force.
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Poste du mitrailleur. -
Compartiment des mitrailleurs. -
La vitesse de pointe officielle du char n'est que de 8,1 km/h ; la vitesse pratique était de 2 à 4 km/h. À 1 000 tr/min, le premier rapport équivaut à une vitesse de 2 km/h, le deuxième à 3,95 km/h, le troisième à 6,75 km/h. À 2 km/h, le Schneider pouvait gravir une pente de 55%. La capacité de franchissement d'obstacles, limitée à un parapet d'environ 80 cm, fut améliorée par 2 courtes queues grimpantes, montées à gauche et à droite de l'arrière de la caisse inférieure. Le profil inférieur des queues est incurvé, permettant au véhicule de s'élever progressivement au-dessus d'un sol de tranchée, jusqu'à ce que son centre de gravité se déplace sur le bord, provoquant une chute soudaine de sa caisse vers l'avant. La capacité de franchissement de tranchée est d'environ 175 cm. La capacité amphibie est de 80 cm d’eau. Deux réservoirs de carburant alimentés par gravité placés au-dessus du moteur sous le toit avant droit et le nez de marche droit, avaient une capacité totale de 145 L et permettaient une autonomie pratique d'une cinquantaine de kilomètres, alors que l'autonomie officielle était de 80 km. La suspension est constituée de 7 galets doubles fixés à 2 bogies, celui de devant en portant 3, l'autre 4. Le bogie arrière est suspendu par 2 ressorts hélicoïdaux verticaux, l'avant plus grand que l'arrière. Les bogies avant de gauche et de droite, chacun suspendu par une spire verticale de faible diamètre, sont reliés l'un à l'autre au moyen d'une poutre transversale en forme de joug, elle-même fixée au fond de la caisse par 2 larges ressorts hélicoïdaux verticaux, diminuant le roulis et l’inclinaison lors de la traversée de terrains accidentés. La garde au sol est de 41 cm. Il y a 5 rouleaux de retour. Le tendeur à 6 branches est fixé au bogie avant et peut donc se déplacer verticalement dans une certaine mesure. Le pignon, à 20 dents, est cependant fixe par rapport à la caisse. Il a un diamètre un peu plus grand que le tendeur, ce qui fait que le profil supérieur de la chenille s'incline légèrement vers le bas vers l'avant. La chenille se compose de 33 maillons plats d'une largeur de 36 cm. La pression au sol est d'environ 0,75 kg/cm². Comme la course du canon principal était limitée, il devait d'abord être pointé dans la direction générale de la cible par le conducteur-commandant faisant pivoter l'ensemble du véhicule. Pour faciliter cela, un petit cadre rectangulaire fut aménagé sur le côté droit du nez du char. En regardant à travers, le conducteur avait une ligne de visée parallèle à celle du canon en position neutre. En pratique, le commandant avait une vue trop limitée de son environnement à travers les petites écoutilles à sa gauche, à l'avant et à droite et devait sortir la tête de son écoutille supérieure rectangulaire pour observer l'ennemi. De petites trappes rectangulaires, munies d'une fente de vision, sont en outre présentes à l'avant de chaque mitrailleuse. La ventilation principale est assurée par une grande fente de lucarne longeant la ligne médiane de la caisse. Il est à double toit, le toit inférieur ayant une deuxième fente dans son sommet, tandis que le toit supérieur avait des côtés inférieurs ouverts, créant des canaux de ventilation oblongs obliques à travers lesquels l'air frais peut être aspiré de l'extérieur. Le toit supérieur est l'élément le plus haut du véhicule. Avec les véhicules de production ultérieurs, l'air pollué était évacué par une large grille de ventilation dans le nez, avec une plaque de blindage encastrée en dessous. À gauche et à droite du toit de la lucarne, des trappes d'évacuation rectangulaires sont présentes dans le haut de la caisse.
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Train de roulement. -
Tendeur & pignon du train de roulement. -
Au cours de la production, le char fut progressivement amélioré, ce qui entraîna de nouveaux retards. À partir du 245ème véhicule, un démarreur automatique fut installé, engagé par une poignée, car le système manuel d'origine ne permettait pas une réponse suffisamment rapide à une situation changeante sur le champ de bataille. Il fut également décidé que le design était trop mal protégé. En réponse à la première utilisation de Mark I britanniques le 15 septembre 1916, les Allemands avaient commencé à introduire des armes et des tactiques antichars. L'une des mesures qu'ils prirent fut l'émission du Kerngeschoss ou balle K, un noyau en acier trempé capable de percer le mince blindage des chars. Pour la contrer, à partir du 210ème véhicule, le C.A.1 fut équipé de plaques de blindage supplémentaires de 5,4mm d'épaisseur sur les flancs et à l'avant avec un espace de 4 cm entre le blindage principal et ces plaques appliquées. Même sans le blindage espacé, les plaques avant auraient été immunisées contre les tirs de balles K à une distance de 200 m, car elles étaient inclinées à 60°, offrant une épaisseur effective de 22,8mm. Au printemps 1917, les véhicules existants furent renforcés (création d'une version surblindée) par l'Atelier de l'Armée à Champlieu. Certains d'entre eux, comme un véhicule portant le numéro de série 61213, étaient équipés de plaques de blindage supplémentaires sur les surfaces avant verticales, y compris un mantelet rectangulaire supplémentaire autour du canon. Au 1er avril 1917, sur les 208 chars disponibles, une centaine seulement avaient été modernisés. Aucun des chars les plus anciens n'avait à ce stade encore reçu le nouveau moteur de démarrage, cette partie du processus d'amélioration prendrait jusqu'à la fin de l'été.
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Différents aperçus du canon Schneider de 75mm. -
Les premières actions de combat montrèrent que les réservoirs étaient susceptibles d'exploser lorsque le véhicule était touché par un obus d'artillerie. Pour y remédier, les réservoirs furent remplacés par d’autres à double paroi, utilisant une couche de feutre pour absorber les fuites d'essence. De plus, ces réservoirs, contenant chacun 80 L, furent déplacés vers une position plus sûre sous blindage mais toujours à l'extérieur de la caisse, dans des boîtes en acier rectangulaires verticales à gauche et à droite de la porte arrière. Cela a nécessité la construction d'une sortie supplémentaire plus sûre, sur le côté gauche du véhicule. Le 8 septembre 1917, seuls douze chars avaient été changés pour cette nouvelle configuration. Au 21 mars 1918, environ 245 véhicules présentaient ces trois améliorations majeures.
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Mitrailleuse Hotchkiss Mle 1914 de 8mm. -
De nombreuses modifications plus petites furent introduites pendant la phase de test et le cycle de production. Le premier comprenait un système de refroidissement amélioré et une meilleure ventilation pour prévenir et éliminer les vapeurs de monoxyde de carbone qui, autrement, menaçaient d'asphyxier l'équipage en une heure. Pour empêcher la saleté de pénétrer dans le châssis près de la manivelle, une plaque de blindage fut ajoutée au bas du véhicule. Les ajouts ultérieurs étaient un viseur périscope, un tuyau d'échappement et des tubes parlants pour les communications internes. En 1917, pour fournir un minimum de communication avec les niveaux de commandement supérieurs et les chars ou l'infanterie qui l'accompagnent, un bouclier métallique à charnière fut fixé à l'arrière du toit de la lucarne de la caisse. Son dos était peint dans un schéma tricolore horizontal rouge-blanc-rouge bien visible. Lorsqu'il était soulevé au moyen d'un câble en acier actionnable de l'intérieur via une petite plaque verticale rainurée située à l'avant du toit de la lucarne, il indiquait la position du char aux observateurs alliés de l'arrière. Plusieurs versions de ce système existaient, différant par l'emplacement précis du bouclier et sa forme. Il était surtout destiné à signaler à l'infanterie qu'il était sûr d'avancer après que le char eut neutralisé toutes les positions de mitrailleuses ennemies. Certaines améliorations furent étudiées mais non appliquées. Les plus simples comprenaient l'introduction de chaussures de piste avec un profil en chevron pour améliorer l'adhérence. De plus, il fut initialement envisagé d'utiliser des blocs de peroxyde de sodium (oxylithe) pour éliminer le monoxyde de carbone, mais cela fut rejeté compte tenu du risque d'incendie. Les premiers essais pour équiper un char français d'un poste radio furent réalisés à l'été 1917 avec un C.A.1, utilisant une antenne filaire de 12 m d'une portée de 8,5 km. Un deuxième essai avec une antenne de 14 m le 18 août 1917 permettait le contact avec un avion à une distance de 2 km à condition que le char ne bouge pas, et il fut décidé d'équiper les chars de commandement de 2 unités, AS 11 & 12, avec un poste radio Émitteur 10ter. Les premières propositions visant à modifier fondamentalement la conception, à mettre en œuvre pendant le cycle de production, étaient beaucoup plus ambitieuses. Ceux-ci furent inspirés par la mise en page maladroite ; afin de limiter la largeur du char, l'armement principal avait été placé dans une position gênante. Le 1er décembre 1916, un certain lieutenant Saar présenta des dessins montrant un véhicule sur lequel le canon de 75mm avait été remplacé par une tourelle de 47mm, le nombre de mitrailleuses était porté à 6, le nombre de fentes de vision à 11 et le moteur était situé au milieu de la caisse. Les 28 & 29 décembre 1916, Schneider envisagea de déplacer le canon de 75mm vers le nez du véhicule et de lui donner une plage de 120°.
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12ème Groupe de Schneider, Secteur de Malmaison, 23 octobre 1917. -
Variante équipée de plaques de blindage supplémentaires sur les parties avant et latérales. -
Groupe d'entraînement du Midi, 1918. -
Conversions
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Schneider CD (1917)
Le Schneider CD est un véhicule de transport à chenilles utilisé par l'artillerie française pendant la Première Guerre Mondiale, jusqu'en 1940. En 1939-1940, les Schneider CD étaient encore en service dans l'Armée Française. Certains furent capturés par la Wehrmacht.
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Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la Wehrmacht captura un certain nombre de Schneider CD. Ils retirèrent le système de treuil et les utilisèrent comme véhicules de ravitaillement à chenilles dotés d'une capacité de remorquage.
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En Action
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1ère Guerre Mondiale (1914-1918)
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Bataille de Berry-au-Bac (1917)
Estienne avait espéré créer une force de frappe puissante et importante avant d'engager ses chars au combat. Il avait fortement désapprouvé l'utilisation, à ses yeux prématurés, des chars par les Britanniques en septembre 1916, 2 mois seulement après les premières livraisons du Mark I. Cependant, les circonstances politiques le contraignirent à déployer l'Artillerie Spéciale (AS) avant qu'elle ne soit à pleine puissance ou adéquatement formés. En décembre 1916, Robert Nivelle avait été nommé Commandant Suprême Français sur la promesse que son innovation tactique du « barrage roulant » assurerait un effondrement rapide du front allemand. Pas favorablement enclin au déploiement massif indépendant de blindés, Nivelle espérait que les chars produits pourraient être utilisés en les laissant participer à son offensive planifiée. En fin de compte, les Allemands apprirent les intentions françaises si bien que la surprise stratégique fut perdue, leur permettant de renforcer les secteurs de front menacés ; il n'y avait pas non plus de surprise tactique, car on savait que des chars français existaient et étaient sur le point d'être introduits. Trois AS se rassemblèrent pour la première fois sur la ligne de front près de Beuvraignes fin mars 1917, dans l'espoir d'exploiter un éventuel succès lors d'une offensive de la 3ème Armée, qui dut cependant être annulée en raison du repli stratégique allemand sur la Ligne Hindenburg. Finalement, les unités de chars devaient soutenir l'attaque de la 5ème Armée dans l'Aisne et étaient concentrées dans un secteur de 9 km de large au sud de Juvincourt-et-Damary, choisi pour son terrain ferme. Les Allemands avaient créé une solide ceinture défensive dans cette zone, détenue par 4 divisions de l'Armée Bavaroise, d'une profondeur de 9 km et divisée en 4 principaux systèmes de tranchées. Le plan était que l'infanterie française prenne la première et la deuxième tranchée en environ 4 heures, avançant derrière le tir de barrage, après quoi les chars exploiteraient immédiatement ce succès et maintiendraient l'élan de l'offensive en progressant rapidement vers la troisième tranchée, directement suivi par l'infanterie ; ensemble, ils conquerraient les troisième et quatrièmes tranchées. La « rupture stratégique » résultant de cela et de nombreuses attaques adjacentes devait être exploitée par des pénétrations profondes par de grandes armées d'infanterie de réserve, débordant la Ligne Hindenburg par le sud.
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Carte du front occidental, 1917. Les flèches bleues indiquant les secteurs de l'Offensive de Nivelle. -
Trois groupements furent engagés dans l'offensive. Deux d'entre eux, nommés d'après leurs commandants Louis Bossut & Louis Léonard Chaubès, étaient respectivement rattachés aux 32 & 5èmes corps d'armée et s'engageraient dès le premier jour. Le Groupement Bossut se composait de 5 groupes : AS 2, 4, 5, 6 & 9, mettant ainsi en service 80 chars, car l'AS dans cette phase de la guerre opérait à pleine puissance avec 4 batteries de 4 chars. Le Groupement Chaubès, créé le 8 mars, comprend les AS 3, 7 & 8, avec environ 48 chars. Chaque groupement était renforcé par une Section de Réparations et de Ravitaillement qui outre 2 Saint-Chamond non armés et quelques tracteurs Baby Holt était équipée de 2 Schneider C.A.1 non armés, tractant des remorques Troy avec du carburant, portant un total de 132 Schneider, à cette date, la plus grande force de chars jamais déployée. Le 13 avril, les unités de chars se concentrèrent derrière la ligne de front. Là, ils furent rejoints par des compagnies d'infanterie de soutien : 5 du 154ème Régiment d’Infanterie de la 165ème Division d’Infanterie pour le Groupement Bossut et 3 du 76ème Régiment d’Infanterie de la 125ème Division d’Infanterie pour le Groupement Chaubès.
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Le commandant Bossut devant son char, 16 avril 1917. -
Au petit matin du 16 avril 1917, l'offensive de Nivelle fut lancée. Dans le secteur où opéraient les chars, les premières vagues d'infanterie française réussirent à prendre les première et deuxième tranchées allemandes comme prévu, mais avec de très lourdes pertes. L'artillerie française était en nombre insuffisant pour soutenir simultanément le tir de barrage et supprimer les nombreuses batteries d'artillerie allemandes. Cela fut aggravé par la supériorité aérienne allemande qui permit aux avions d'observation d'artillerie de diriger avec précision les tirs de suppression allemands sur les colonnes françaises en progression. Le Groupement Chaubès subit de nombreuses pertes avant même de pouvoir quitter les lignes françaises. Arrivé sur la ligne de front en début d'après-midi, il devait aider l'infanterie à dégager la deuxième tranchée des derniers allemands. Ils ne paniquèrent pas à la vue des chars français mais avaient été entraînés à se cacher d'eux, laissant leur couverture pour engager l'infanterie française lorsque les véhicules blindés se déplaçaient. En fin de journée, l'infanterie française s'avéra incapable de poursuivre l'offensive et les derniers chars français survivants durent être retirés. Plus à l'est, au nord de Berry-au-Bac, le Groupement Bossut s'avéra plus efficace. Il parvint à franchir les différentes lignes de tranchées en ne perdant que quelques véhicules et se concentrant en fin de matinée pour poursuivre l'offensive. Cependant, vers 11h, le char de Bossut, Trompe-la-Mort menant l'avancée, portant un fanion tricolore béni au Sacré-Cœur de Montmartre, reçoit un coup direct d'artillerie lourde, incinérant la majeure partie de l'équipage et faisant exploser Bossut lui-même de l'entrée arrière d'où il avait dirigé la bataille, tué par un éclat d'obus dans le cœur. Néanmoins, les Schneider poursuivirent leur progression, avançant de plusieurs kilomètres dans une pénétration étroite à travers une vallée peu profonde vers la troisième tranchée allemande. L'infanterie affaiblie cependant, ne put pas suivre, obligeant les chars à attendre l'arrivée des unités de réserve. Pendant plusieurs heures, les chars se déplacèrent sur le terrain conquis pour éviter de présenter des cibles statiques à l'artillerie allemande. Malgré cela, de nombreux véhicules furent touchés, car ils étaient à la vue des batteries allemandes sur les collines environnantes. Les assauts de flanc des soldats bavarois furent repoussés. En début de soirée, des unités d'infanterie fraîches ainsi que les chars conquirent un secteur de la troisième tranchée, marquant la marée haute de la progression française pendant toute la Deuxième Bataille de l'Aisne. Les Schneider se retirèrent alors, subissant à nouveau des pertes par des tirs d'artillerie.
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Schneider C.A.1 français détruit près de Reims. -
L'offensive de Nivelle fut une grave déception, démoralisant les troupes françaises et conduisant aux mutineries de l'Armée Française. Le sentiment d'échec s'étendit aux Schneider. Leurs pertes avaient en effet été lourdes : 76 des 128 chars de combat engagés avaient été perdus. Beaucoup d'entre eux avaient brûlé : 57 au total, 31 avec le Groupement Bossut et 26 avec le Groupement Chaubès. La plupart avaient été incendiés par l'artillerie allemande : 23 véhicules du Groupement Chaubès avaient été touchés par des tirs indirects et 15 du Groupement Bossut ; cette dernière unité avait 14 chars touchés par un tir direct. Les enquêtes montrèrent que la plupart des véhicules présentaient des risques d'incendie supplémentaires : pour compenser l'autonomie limitée, 2 bidons d'essence de 50 L avaient été fixés à l'arrière et certains équipages en avaient même rangé un troisième à l'intérieur ; chaque réservoir avait une bouteille d'éther à mélanger avec l'essence pour booster le moteur et pour renforcer l'esprit combatif : 3 L d'alcool fort avaient été fournis au début de la bataille. De plus, les pertes de personnel avaient été élevées : 180 des 720 membres d'équipage et 40% de l'infanterie tué. Sur une note positive, 20 chars en panne avaient été récupérés du champ de bataille, tous les assauts de l'infanterie ennemie avaient échoué et le blindage espacé s'avéra très efficace, au-delà des attentes, contre les tirs d'armes légères et les éclats d'obus. La principale plainte technique était que la visibilité depuis l'intérieur du véhicule était mauvaise pour le conducteur ainsi que pour les artilleurs. Les leçons tactiques tirées étaient que les chars devaient s'étendre davantage pour éviter les tirs d'artillerie et devaient coopérer plus étroitement avec l'infanterie. Le Groupement III, commandé par le capitaine Henri Lefebvre, était destiné à assister une attaque de la 4ème Armée le 17 avril à Moronvilliers. Il se composait de 2 groupes de Schneider, AS 1 & 10, renforcés par quelques Saint-Chamond. Lorsque les premières attaques d'infanterie échouèrent largement, l'attaque des chars fut annulée, également au vu des événements de la veille.
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Bataille du Chemins des Dames (1917)
Malgré l'échec général de l'offensive de Nivelle et les mutineries qui s'ensuivirent, le Haut Commandement Français tenta en mai 1917 d'utiliser la concentration des forces dans l'Aisne en conquérant au moins les positions notoires du Chemin-des-Dames. Une partie du plan était un objectif limité mais stratégiquement important : le saillant allemand à l'est de Laffaux où la Ligne Hindenburg s'articulait sur le Chemin-des-Dames, du nom de la butte du Moulin-de-Laffaux. Cette attaque devait être appuyée par le Groupement Lefebvre. Pour améliorer la coopération avec l'infanterie, le Groupement fut renforcé par un bataillon d'infanterie spécialement formé à la tactique interarmes, le 17ème Bataillon de Chasseurs à Pied. La coordination avec l'artillerie fut améliorée en attachant un avion d'observation spécial, protégé par 6 chasseurs SPAD VII, qui devait identifier les batteries antichars allemandes et les faire détruire par des tirs de contrebatterie ; il devait également signaler la position des chars aux niveaux de commandement supérieurs.
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Le village de Soupir, avril 1917. -
L'offensive plus générale fut lancée le 5 mai. Alors que la plupart des attaques d'infanterie le long du Chemin-des-Dames furent ce jour-là des échecs sanglants, l'attaque des chars sur le Moulin-de-Laffaux atteignit largement ses objectifs. Les Schneider, avançant non pas en colonne mais « en ligne de front », exploitèrent la conquête initiale de l'infanterie de la première tranchée en traversant la seconde, puis aidèrent les fantassins dans des combats lourds et fluides avec des réserves allemandes contre-attaquant. Finalement, la plupart des chars tombèrent en panne et durent être abandonnés par l'infanterie qui avançait. Leur récupération s'avéra difficile car les orages rendaient très glissante la surface de la pierre calcaire abondante dans la région et le terrain était accidenté, parsemé de ruines et entrecoupé de ravins et de carrières. La majorité des véhicules furent réparés pendant la nuit, mais le sol s'était tellement détérioré qu'une seule batterie de 4 fut déployée sur le sixième. Néanmoins, les Schneider avaient fait bonne figure. Sur 33 chars engagés, seuls 5 avaient été détruits, dont 3 Schneider. Les pertes parmi les équipages étaient au nombre de 55, dont 3 mortelles.
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Bataille de La Malmaison (1917)
Au lendemain des mutineries, Philippe Pétain fut nommé Commandant Suprême. Il tenta de restaurer la confiance en s'abstenant de plans offensifs trop ambitieux. Ce n'est qu'en 1918, lorsque l'afflux de troupes américaines et de nouveaux véhicules blindés feront pencher la balance en faveur de l'Entente, que des attaques décisives pourront être envisagées. Sa devise était donc : « J'attends les Américains et les chars ». Cependant, rester purement inactif saperait le moral ; pour le renforcer, une série d'offensives à petite échelle méticuleusement préparées furent entreprises dans lesquelles le succès était garanti en déployant une supériorité numérique écrasante, en particulier dans l'artillerie, pour conquérir un objectif limité. Le 23 octobre 1917, Pétain s'empara d'un coup de la célèbre crête du Chemin-des-Dames, dont la forteresse de La Malmaison. L'attaque fut soutenue par le Groupement Chaubès, alors composé des AS 8, 11 & 12. En raison des pertes d'avril, chaque AS déploie désormais 12 chars. Y compris les véhicules de ravitaillement, le total de Schneider était de 41. Les véhicules de commandement des AS 11 & 12 étaient ce jour-là les premiers chars français à utiliser du matériel radio au combat.
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Schneider français à la bataille de la Malmaison, entre le 23 et le 25 octobre 1917. Photographie publiée par l'hebdomadaire Le Miroir (n°208) le 18 novembre 1917. -
Les chars ne jouèrent pas un rôle décisif dans cette action. En raison des embouteillages, beaucoup ne purent même pas quitter leurs propres lignes ; beaucoup d'autres tombèrent en panne ou se coincèrent dans un marais avant d'atteindre l'ennemi. Cependant, ceux qui réussirent à s'engager coopèrent efficacement avec l'infanterie. Un brouillard au sol cachait en grande partie les véhicules de l'artillerie ennemie et le blindage espacé résistait aux balles K des mitrailleuses allemandes. Les pertes étaient donc faibles, avec 2 chars brûlés et moins de 10% de pertes de personnel. Six véhicules abandonnés en mai à Moulin-de-Laffaux pouvaient désormais être récupérés. Malgré leur modeste contribution, l'efficacité des chars semblait prouvée, justifiant l'expansion prévue de la force des chars. Au cours des 3 batailles de 1917, les Schneider engagèrent 175 cibles ennemies. 86 véhicules furent perdus cette année-là.
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Batailles de 1918
Le Commandement Français envisagea de lancer des offensives d'été à grande échelle en 1918, bénéficiant d'un nombre accru de chars. À ce stade de la guerre, moins d'un an après leur premier emploi, les Schneider étaient déjà considérés comme obsolètes. Ils formaient néanmoins toujours une partie essentielle de la force de chars : un type de char moyen successeur, le Schneider Mle 1917, avait été annulé ; le Renault FT n'avait pas encore été produit en nombre suffisant, en particulier la version au canon de 75mm ; et le Saint-Chamond étant d'une utilité limitée, les Schneider devaient fournir la puissance de feu nécessaire. Leur importance continue devint évidente lorsque les plans français étaient le 21 mars, date à laquelle 245 Schneider étaient opérationnels, perturbés par l'offensive de printemps allemande, un assaut massif d'infanterie rendu possible par le Traité de Brest-Litovsk permettant à l'Allemagne de déplacer l'essentiel de ses forces sur le front occidental. En avril, il y eut des contre-attaques mineures dans la Somme par un petit nombre de Schneider : 5 véhicules le 5 à Sauvillers-Mongival, 6 le 7 à Grivesnes et 12 le 18 au bois de Sénécat, à l'ouest de Castel. Le 28 mai, également dans la Somme, 12 véhicules (AS 5) soutinrent une attaque des forces expéditionnaires américaines lors de la bataille de Cantigny, la première fois dans l'histoire que des troupes américaines coopérèrent avec des chars. Au début, l'offensive allemande était largement dirigée contre le Corps Expéditionnaire Britannique, mais lorsque cela ne réussit finalement pas à produire la percée décisive souhaitée, fin mai, les Allemands se retournèrent en force contre les Français lors de la Troisième Bataille de l'Aisne. L'avancée allemande menaçait la base de Champlieu, qui était abandonnée, perturbant gravement les réparations et l'entretien. Début juin, les offensives avaient créé un grand saillant français autour de Compiègne et Erich Ludendorff décida de le réduire dans l'opération Gneisenau. Bientôt pour les Français la situation devint critique car un succès allemand ouvrirait la voie à Paris. Le 11 juin, des chars furent pour la première fois utilisés en masse pour une contre-attaque mobile lors de la Bataille de Matz. Bien que la plupart des véhicules impliqués soient des Saint-Chamond, 2 groupements de Schneider (II & III) participèrent également avec 75 chars. La concentration de blindés français, frappant le flanc de la pénétration ennemie, réussit à stopper l'avance allemande et Gneisenau fut annulé. Le succès eut cependant un prix : 35 Schneider furent perdus. À l'ouest du saillant, le 9 juillet, une petite contre-attaque locale eut lieu du nom des fermes de la Porte et des Loges, qui fut appuyée par une quinzaine de Schneider des AS 16 & 17.
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Les Schneider, ici avec le camouflage hachuré tardif, étaient principalement transportés par chemin de fer, 1917. -
Le 15 juillet, les Allemands lancèrent leur dernière grande offensive de 1918, attaquant Reims lors de la Deuxième Bataille de la Marne. Bientôt, leur avance faiblit et ils se retrouvèrent dans une situation très vulnérable, avec des lignes de ravitaillement trop étendues et des troupes épuisées manquant de positions bien retranchées. Le 18 juillet, les divisions françaises et américaines, coopérant avec un grand nombre de chars, lancèrent une offensive majeure, la Bataille de Soissons, au cours de laquelle, pour la première fois depuis 1914, les forces de l'Entente sur le front occidental réussirent à faire des progrès substantiels, réduisant l'ensemble de l'Armée Allemande. Dans l'opération, 3 groupements de Schneider (I, III & IV) participèrent avec 123 véhicules, le deuxième plus grand déploiement de ce type pendant la guerre. La bataille fut un désastre stratégique pour les Allemands, entraînant la désintégration d'une grande partie de leurs forces et initiant une période de retraites presque continues. Si désormais les conditions étaient enfin favorables pour remplir le rôle offensif pour lequel ils avaient été créés, les Schneider ne pouvaient pas être d'un grand secours à l'infanterie française elle aussi décimée. Au 1er août 1918, le nombre de Schneider opérationnels était tombé à 50. Comme la production fut arrêtée ce mois-là, les pertes ne purent pas être remplacées, tandis que l'intensification des combats entraîna une usure accrue. En conséquence, les niveaux effectifs restèrent faibles : 40 véhicules au 1er septembre, 60 au 1er octobre, 51 au 1er novembre. En conséquence, lors des opérations ultérieures, les Schneider n'égalèrent plus les chiffres atteints en juillet. Le 16 août, 3 groupes avec 32 chars attaquèrent près de Tilloloy ; le 20 août, un groupe de 12 participa à des actions près de Nampcel. Le 12 septembre, le Groupement IV pouvait rassembler 24 chars pour soutenir les Américains dans la Bataille de Saint-Mihiel. À partir du 26 septembre, lors de l'offensive Meuse-Argonne, le Groupement IV continua d'appuyer les Américains avec environ 22 chars, et les Groupements I & III soutinrent la 4ème Armée Française avec 34 véhicules. En octobre, la plupart des unités Schneider récupéraient et les services de renseignement allemands supposaient que le modèle avait maintenant été complètement abandonné, remplacé par les Renault FT plus récents et plus efficaces, mais en fait, il était prévu de déployer à nouveau une cinquantaine de Schneider dans une grande offensive en Lorraine le 11 novembre. Ce jour-là, cependant, la Première Guerre Mondiale prit fin avec l'Armistice. Au cours des batailles de 1918, les Schneider engagèrent 473 cibles ennemies. Pendant la guerre, au total 308 Schneider avaient été perdus, 86 en 1917 et 222 en 1918 : 301 par des tirs d'artillerie ennemie, 3 par des mines, 3 par des tirs de fusil antichar et 1 pour des raisons inconnues.
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Guerre du Rif (1921-1927)
À une occasion, après la fin de la guerre, des Schneider furent exportés. Après une demande urgente du Gouvernement Espagnol à la suite de graves défaites contre les rebelles berbères pendant la Guerre du Rif, 6 furent vendus à l'Espagne le 16 septembre 1921 dans le cadre d'un effort conjoint franco-espagnol pour soumettre la République du Rif nouvellement indépendante. Les véhicules furent désignés Carro de Asalto Schneider M16 et modifiés par l'ajout d'un port de canon annexe de visière du conducteur dans la plaque de glacis avant. Ils atteignirent le Maroc le 28 février 1922. Le 14 mars 1922, en tant que premiers chars espagnols à voir une action de combat, ils fournirent un appui rapproché. Considérés principalement comme de l'artillerie mobile, ils furent combinés en une batterie d'assaut d'artillerie commandée par le capitaine Carlos Ruiz de Toledo qui soutenait la seule compagnie de Renault FT. En septembre 1925, ils participèrent au grand débarquement amphibie dans la baie d'Al Hoceima. Les Schneider combattirent jusqu'en mai 1926 et revinrent en Espagne en 1929, n'ayant perdu aucun véhicule. En Espagne, en raison de leur mauvais état mécanique, ils furent délégués à un statut de réserve et utilisés comme véhicules d'entraînement et d'instruction. Quatre faisaient partie du dépôt du 1er Régiment Léger de Chars de Combat à Madrid, une unité de Renault FT, les deux autres faisaient partie de l'effectif du dépôt 2ème Régiment Léger de Chars de Combat à Saragosse, l'autre unité de Renault FT.
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Schneider C.A.1 espagnol dans la zone d'El Hoceima... Les Rifains menèrent un assaut sur les lignes espagnoles. Ils saisirent un Schneider en 1925. -
Guerre Civile Espagnol (1936-1939)
Au début de la guerre civile, la première unité resta sous commandement républicain, tandis que la seconde prit le parti des rebelles nationalistes. Les véhicules madrilènes participèrent aux attaques sanglantes de la Caserne de la Montaña, la principale caserne militaire de la capitale. Certains des chars étaient occupés par des miliciens de l'Union Générale de Travailleurs et de l'Union des Frères Prolétaires. Les véhicules de Saragosse participèrent également aux premiers combats. Probablement tous les Schneider devinrent inopérants en 1936.
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Schneider utilisé pour donner l'assaut à la Caserne de la Montaña, Madrid, 19 juillet 1936.
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Schneider C.A.1