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Genèse
En 1928, la Direction de l'Infanterie commanda un nouveau char sur la base du Renault NC 29 (modèle d'exportation) déjà existant. Le NC 29 était en réalité un FT-17 avec de nouveaux trains de chenilles à grands ressorts verticaux. Le nouveau char, appelé D1, se distinguait par une nouvelle caisse plus large ainsi que par une nouvelle tourelle. Il fut adopté par les militaires français en 1929 et fut fabriqué à 160 exemplaires dont 10 modèles de préproduction. L'équipage était constitué d'un commandant, d'un pilote et d'un radiotélégraphiste.
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Design
La caisse était constituée de plaques planes boulonnées sur un cadre cornier. Le blindage est de 30mm sur les points sensibles. Le poste du pilote faisait saillie sur le glacis. Le plateau arrière surplombant le moteur était en pente et le char était équipé d'une queue de franchissement. Le plateau arrière était également doté à droite d'une grande antenne cadre triangulaire. L'armement était constitué d'un canon SA 34 de 47mm (pour les modèles de production) et d'une mitrailleuse autonome. La tourelle définitive ST2 était moulée et avait la forme d'un baquet retourné. Cette tourelle « à trois niveaux de vision » fut un échec. Les premières ST2 étaient équipées d'un tourelleau plat à la place du « bonnet chinois ». Les premiers D1 étaient équipés par des tourelles FT-17 moulées ou rivetées.
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Carcasse de D1 hors de combat durant les terribles journées de 1940. -
La suspension à grands ressorts verticaux était protégée de chaque côté par des jupes blindées. Les barbotins étaient situés à l'arrière et les poulies de tension de chenilles à l'avant (au bout d'une pince en U). La suspension comprenait également 15 petits galets (2 tailles différentes) de chaque côté mais pas de rouleaux porteurs. Ces derniers étaient remplacés par des glissières en bois.
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D1 abandonné et inspecté par des soldats allemands. -
En définitive, le D1 fut un véritable échec car il était peu fiable, peu puissant, inconfortable, mal conçu et ses performances en tout-terrain étaient médiocre. En réalité, il était déjà obsolète quand les nouvelles tourelles furent livrées.
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Modèles
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D1A
Version de base. Seuls 10 exemplaires de produits.
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D1 avec tourelle de Renault FT. -
D1B
Principale version de production, avec un canon SA34 de 47mm, un blindage accru et un moteur plus puissant. 100 chars furent produits.
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D1 défilant à Nancy, France, 1936 (?). -
D1 avec tourelle ST1. -
D1 avec tourelle ST2. 67ème Bataillon de Char de Combat, Armée Française, France, secteur de Souain, juin 1940.
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Conversions
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D1 d’Observation
Un exemplaire du D1, converti en véhicule de commandement avec la tourelle retirée et un poste radio supplémentaire.
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En Action
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Entre Deux Guerres (1918-1939)
En 1932, le D1 était le matériel de char le plus moderne, voire le seul, disponible pour l'Armée Française. Il était donc hors de question de déléguer ce type à un simple soutien d'infanterie. Il devrait désormais fonctionner comme Char de Bataille, avec pour mission principale de combattre les blindés ennemis, comme le montrèrent le choix d'un canon de 47mm et la présence de postes radio. Les 10 NC 31 furent utilisés pour la formation des conducteurs ; les autres véhicules furent affectés à 3 bataillons, un chacun dans les 507, 508 et 510ème Régiment de Chars de Combat, les unités de chars d'élite. Alors que la menace de guerre augmentait régulièrement, d'abord par le renforcement militaire soviétique, puis à cause du réarmement de l'Allemagne, l'équipement moderne était censé montrer aux puissances étrangères que la France était toujours une force avec laquelle il fallait compter. Pour les régiments recevant le nouveau char, ce fut cependant une grave déception. La principale raison à cela, outre le fait que les tourelles obsolètes du Renault FT étaient utilisées pendant les 4 premières années, résidait dans sa très faible fiabilité mécanique. En mars 1934, alors que 110 véhicules avaient été livrés, on rapporta que 17 d'entre eux étaient déjà usés et devaient retourner à l'usine pour une reconstruction complète ; sur les 93 restants, 62 n'étaient pas opérationnels en raison de défauts majeurs. La brûlure des freins et des transmissions était courante ; les plaques de blindage étaient déformées car le châssis n'était pas assez rigide, leurs rivets claquants régulièrement. La cause fondamentale en était que l'équipe de conception de Renault avait tendance à résoudre le problème de savoir comment combiner faible poids et faible coût en appliquant des composants faibles de qualité d'acier inférieure : d'autres conceptions de Renault comme l'AMR 33, l'AMC 35 et le D2 souffraient des mêmes problèmes. En 1935, un vaste programme de maintenance fut lancé pour améliorer la fiabilité mécanique du D1 ; mais lorsqu'en mars 1936, les unités d'élite durent se précipiter vers la frontière allemande en réaction à la crise rhénane, il devint douloureusement évident à quel point leur état de préparation était encore médiocre. La nouvelle tourelle ST2 ne fit qu'aggraver la situation : on a découvert que le verre des diascopes se brisait par simple entraînement ; il n'y avait pas d’AP disponible, à l'exception d'une vingtaine de chars équipés du canon naval de 47mm, car le SA 34 régulier était en pénurie ; les râteliers à munitions n'avaient pas encore été modifiés pour contenir les obus plus gros. Le SA 34 était de toute façon une arme trop faible ; mais la tourelle était trop petite pour être adaptée au SA 35 de 47mm beaucoup plus puissant. L'analyse des événements conduisit l'armée à conclure qu'elle devait se débarrasser au plus vite du matériel gênant. Même si certaines modifications furent mises en œuvre, comme une base d'antenne modifiée qui n'entrave pas la rotation de la tourelle, début 1937, lorsque de nouveaux types sont disponibles, tous les D1 en France métropolitaine furent progressivement supprimés, à l'exception des NC 31.
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D1 en exercices, peu de temps avant d'être envoyés en Tunisie. -
Les D1 furent ensuite expédiés vers la destination typique des matériels de l'Armée Française obsolètes mais trop précieuses pour être mises au rebut : les colonies. En 1937, ils arrivèrent en Afrique du Nord, pour y former 3 nouveaux bataillons : les 61, 65 et 67èmes bataillons de chars de combat, pour contrer la menace italienne d'envahir et de capturer la Tunisie. Comme l'effectif organique de chaque bataillon était de 45 et qu'un char avait été utilisé comme char de commandement, 14 D1 furent affectés à la réserve de matériel. Remarquablement, compte tenu du fait que même une réserve de cette taille était insuffisante compte tenu de la faible fiabilité, une unité de cavalerie, la 5ème Division de Chasseurs, fut autorisée à s'approprier 20 chars pour son propre usage, sans aucune autorisation appropriée pour cela.
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2ème Guerre Mondiale (1939-1945)
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Bataille de France (1940)
En mai 1940, lors de la chute de la France, il fut décidé après le succès allemand du Plan Jaune, de renforcer la France métropolitaine avec les bataillons nord-africains. Comme on pouvait s'y attendre, l'état de préparation des D1 n'avait entre-temps fait qu'empirer. Il fut décidé de concentrer les 43 véhicules opérationnels disponibles dans le 67ème Bataillon de Chars de Combat, la première unité à être expédiée en France. L'Italie n'ayant pas encore déclaré la guerre, le bataillon atteignit la France dans une relative sécurité début juin. Le 9 juin, la Bataille de France commença et le 11 juin, les Panzerdivisions allemandes réalisèrent une percée. Pour couvrir la retraite, le 67ème Bataillon de Chars de Combats renforça le 12 juin la défense de la 6ème Division d'Infanterie Coloniale du village de Souain, une position bloquant la 8ème Panzerdivision. La 3ème compagnie du 67ème Bataillon de Chars de Combat repoussa les premières attaques allemandes, détruisant 4 chars ennemis. Lorsqu'il exécuta une attaque de flanc, suivant la doctrine tactique officielle prescrivant que le meilleur moyen de défense était d'utiliser l'effet de choc d'une contre-attaque blindée, il fut lui-même touché dans le flanc par un tir antichar de 37mm et perdit 7 véhicules. D'autres attaques allemandes furent repoussées, détruisant à nouveau certains chars ennemis. La 2ème Compagnie engagea l'infanterie allemande près de Suippes. La 6ème Division Coloniale ordonna un retrait vers le sud pendant la nuit. Au cours de cette retraite, le 67ème Bataillon de Chars de Combat perdit la plupart de ses chars. La 3ème Compagnie fut prise en embuscade et les D1 restants furent laissés dans divers villages pour tenter de renforcer leur défense. Il ne restait que 4 chars le 14 juin : 3 furent sabordés par leur équipage et le dernier détruit par une attaque aérienne.
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D1 hors de combat du 67ème Bataillon de Chars de Combat, juin 1940. -
Sur les 43 D1 participant à la campagne, 25 furent complètement détruits ; 18 capturés par les Allemands et reçurent la désignation Pz.Kpfw. 732(f). Cependant, il n'y a aucune utilisation allemande documentée de ce char.
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Front Nord-Africain (1940-1943)
Dans les conditions de l'armistice, la France était en principe autorisée à conserver ses D1 restants (soit 106) en Afrique du Nord. Cependant, les unités de chars purs, comme les bataillons de chars, devaient être dissoutes et seuls 62 chars furent répartis entre les 2 et 4èmes divisions de chasseurs d'Afrique, environ 40 et 20 respectivement + 2 chars pour la formation des conducteurs. Cela posait problème à la 5ème Division de Chasseurs qui possédait encore les 20 véhicules clandestins ; seuls 86 véhicules avaient été signalés. Lors de la visite de la commission italienne de contrôle de l'armistice, ces chars furent cachés avec succès derrière des écuries. Lors de l'opération Torch, les chars de la 2ème Régiment de Chasseurs d'Afrique se battirent près d'Oran contre les M3 Stuarts américains du 1er Régiment Blindée et les M3 GMC du 601ème Bataillon de Chasseurs de Chars. Un M3 GMC et un Stuart furent détruits mais 14 D1 furent perdus.
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D1 du 2ème Régiment de Chasseurs d’Afrique à Oran, 1943. Ces chars se battirent à la fois contre les Allemands et les Américains. -
Les troupes françaises rejoignent les Alliés le 10 novembre. Les D1 restants furent concentrés dans la Brigade Légère Mécanique et combattirent pendant la bataille du Col de Kasserine. À cette occasion, un Pz.Kpfw. IV fut détruit par le feu d’un D1, ce qui était un exploit compte tenu de la faible capacité du canon SA 34 de 47mm. Des photos montrent qu'à cette époque le cadre radio avait été supprimé. En mars 1943, les 17 D1 survivants furent éliminés au profit du Valentine britannique. Aujourd'hui, pas un seul D1 ne survit ; le seul véhicule connexe existant est un NC 27 en Suède.
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Renault D1