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Genèse
La firme Renault, en plus de réaliser un char léger conforme aux spécifications de l'Auto-Mitrailleuse de Reconnaissance (AMR 33), mettra en chantier également un blindé léger conforme aux spécifications de l'Auto-Mitrailleuse de Combat (AMC). Le premier prototype fut finalisé en 1933, et était armé de la tourelle du FT avec canon de 37mm. Ce modèle ne donna pas satisfaction et un nouveau prototype fut mis à l'épreuve sous le nom d'AMC 34 YR. Ces essais permirent de donner naissance au premier char français à tourelle biplace qui permettait au chef de char de remplir pleinement son rôle primordial, celui de commander le char, n'ayant plus à manipuler les armes de bord. Ces dernières sur l'AMC 34 YR, consistaient en un canon de 25mm et une mitrailleuse coaxiale de 7,5mm.
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Prototype de l’AMC 34. -
Après l'AMC 34, succéda rapidement l'AMC 35 (ou ACG 1). Les premiers modèles furent complétés par Renault, mais la majorité de la production, fut réalisé par la firme AMX. En tout, 100 exemplaires furent fabriqués. L'AMC 35 avait un équipage de 3. Le pilote était assis dans le poste de conduite à l'avant du char et le commandant et le canonnier prenaient place dans la tourelle. L'armement consistait ici en un canon de 47mm et une mitrailleuse coaxiale de 7,5mm. Notons que sur certains exemplaires le canon de 47mm fut remplacé par un canon de 25mm à tube long (Semi-Automatique Région Fortifiée (SARF)). Le canon de 25mm possédait une puissance de perforation supérieure à celle du SA 34 de 47mm. Cependant, l'artillerie française rechignait à se séparer de ces précieux canons de 25mm pour les installer sur des chars. Fort heureusement fit son apparition le canon SA 35 de 47mm, de loin supérieur, avec sa grande vitesse initiale (680 m/s avec l'AP Mle 32, contre 450 m/s avec l'AP Mle 92 du SA 34).
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AMC 35. -
Design & Modèles
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AMC 34
L'AMC 34 était un char de petite taille, mesurant 3,98 m de long et 2,07 m de large, pesant 9,7 t. La suspension du prototype était la même que celle de l'AMR 33 alors que celle des modèles de production utilisèrent celle envisagée pour l'AMR 35 avec un bogie central avec suspension verticale flanqué de galets indépendants à suspension horizontale. Le moteur V12 de 120 ch et les 220 L de carburant embarqués permettaient au char d'atteindre les 40 km/h et de posséder une autonomie de 200 km. Le moteur était installé à la droite du pilote. Le pilote disposait d'une trappe devant lui et d'une autre trappe d'évacuation derrière lui. Le blindage avait une épaisseur de 20mm sur les parois verticales. L'armement était constitué d'un canon SA 18 de 37mm ou SARF de 25mm.
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AMC 34 (37mm SA 18). -
1er Régiment de Chasseurs d'Afrique, Armée Française, Rabat, Maroc, septembre 1939. -
AMC 35 (ACG 1)
La suspension en ciseau comprenait des ressorts horizontaux. Le train de roulement comprenait de chaque côté 5 galets, un barbotin avant, une poulie de tension arrière et 5 rouleaux porteurs. Le blindage de 25mm maximum était constitué de plaques d'acier rivetées. L'AMC 35 avait un poids de combat d'environ 15 t et était propulsé par un moteur Renault de 180 ch, identique à celui du B1 bis, mais avec 4 cylindres seulement (6 pour le B1 bis). Il pouvait atteindre sur route les 40 km/h. Cependant sa consommation d'essence était catastrophique. Pour preuve, l'AMC 35 n'avait que trois-quarts d'heure d'autonomie en tout terrain ! Le train de roulement était en fait mal adapté à la vitesse du char ce qui provoquait la consommation excessive.
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1er Groupe Franc de Cavalerie, Armée Française, France, secteur de Saumur, printemps 1940.
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Conversions
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AMC 35 d’Enfumage
Un exemplaire fut transformé en char-fumigène doté de 19 conteneurs de 165 L de liquide fumigène pouvant être dispersés dans l'air par un compresseur.
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Renault ACG 2
Version anti-char armée d'un canon de 75mm.
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Silhouette spéculative de l'automoteur de Cavalerie Renault ACG 2. Sur la version finale prévue (prototype inachevé), l'armement principal est un canon ABS de 75mm (102 coups) placé à droite de la caisse. Sur le toit se trouve une petite tourelle APX armée d'une mitrailleuse de 7,5mm (1 050 coups). Un poste TSF ER 29 pourra être installé sous réserve d'une réduction de 25 obus de 75mm.
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En Action
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AMC 34
La France manquait tellement de chars modernes qu'elle ne pouvait se permettre d'oublier les 12 véhicules de présérie. En janvier 1936, ils furent mis en service avec le 4ème Régiment de Cuirassiers, d'abord équipés de tourelles de Renault FT puis de la tourelle APX 1 également utilisée pour les D2, armée d'un canon SA 34 de 47mm. En 1937, la production croissante de chars plus modernes permit aux AMC 34 d'être expédiées au Maroc pour être utilisées par le 1er Régiment de Chasseurs d'Afrique, qui les reçut le 15 décembre 1937. Ils étaient à l'époque les blindés les plus modernes dans les colonies, mais furent rééquipés de la tourelle biplace APX 2. Il fallut de nombreux mois avant que des canons de 25mm puissent également être installés ; jusque-là, les chars avaient seulement des mitrailleuses de 7,5mm. Les chars utilisaient la radio à ondes courtes ER 28 (tous les AMC étaient censés avoir des postes radio) ; un réservoir de carburant mieux protégé à l'arrière fut également installé, ainsi qu'une grille de ventilation horizontale plus sûre sur le pont arrière du moteur. En novembre 1939, l'AMC 34 fut remplacé par le H39 ; 3 véhicules furent pris par le 5ème Régiment de Chasseurs d’Afrique et utilisés pour la formation des conducteurs. Ces véhicules et les 9 autres n'apparaissent pas sur les listes de contrôle d'armistice, ils furent donc soit déjà mis au rebut à l'été 1940, soit cachés. En 1935, la Cavalerie Belge lança un programme de mécanisation. Il était prévu d'équiper les 6 régiments de cavalerie d'un escadron organique de 12 chars : 8 T-15 et 4 canons. Pour occuper ce dernier poste le 13 septembre 1935, 25 AMC 34 furent commandées à Renault, au prix unitaire de 360 000 francs, et 25 tourelles APX. L'AMC 34 avait été préféré au Vickers Medium Tank Mk. F après avoir testé le prototype du 7 au 10 novembre 1934. Il était stipulé que les véhicules de production seraient d'une configuration améliorée et seraient livrés au rythme de 3 par mois à partir d'octobre. À partir de 1935 cependant, en raison de problèmes techniques et financiers, Renault ne put les livrer. Ce n'est qu'après un retard de plus de 3 ans que 10 furent exportées des AGCI 1 ou AMC 35 plus modernes. Les tourelles APX 2 commandées furent rééquipées de canons belges de 47mm et de mitrailleuses Hotchkiss de 7,65mm ; 13 furent utilisés sur des casemates de défense côtière.
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AMC 35
Lorsque les 9 chars furent enfin arrivés en Belgique, on découvrit rapidement l'usure du moteur, de la transmission et de la suspension était excessive. En janvier 1940, les 2 chars qui étaient dans le pire état furent sélectionnés pour être transportés à l'Arsenal d'Etterbeek, pour être cannibalisés pour faire fonctionner les autres ; l'un fut utilisé pour la formation des conducteurs. Les 8 chars restants étaient concentrés dans l'Escadron d'Auto Blindés du Corps de Cavalerie, créé le 1er septembre 1939 à Watermael-Boitsfort. Le terme Auto Blindé Lourd fut utilisé pour éviter le caractère politiquement sensible ou tank. L'unité déménagea ensuite à Gand pour sa première formation, recevant progressivement plus de véhicules de Carels. Plus tard, ils revinrent à Bruxelles. L'escadron avait 3 pelotons : un peloton « État-major et services » (hors rang) et 2 pelotons de 4 chars chacun. Le personnel était un mélange de soldats du 2ème Régiment de Lanciers (néerlandais) et du 1er Régiment de Guides (français), les deux unités partageant la même caserne (Caserne de Witte-de Haelen) à Etterbeek.
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AMC 35 belge pris en photo par un photographe de guerre allemand, 19 mai 1940. -
Lorsque la guerre éclata le 10 mai, le char d'entraînement des conducteurs fut uni aux 7 autres pour amener l'escadron à son effectif organique de 8. Ceux-ci combattirent la Wehrmacht entre le 17 et le 27 mai 1940. 4 furent détruits par des tirs de PaK de 37mm lors d'une contre-attaque, 2 tombèrent en panne et 2 furent rendus aux Allemands le 28 mai 1940 lorsque l'Armée Belge déposa ses armes. Le Musée de l'Armée de Bruxelles montre une tourelle unique extraite de l'un des 2 casemates qui défendaient le port de Zeebrugge ou Bruges-Zeebrugge. La tourelle est la propriété de la ville de Bruges qui la prêta au Musée de l'Armée à Bruxelles.
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Tourelle d’AMC 35 en exposition au Musée de l’Armée de Bruxelles, 1983. -
Au début, aucune unité française n'était équipée de l'AMC 35 ; aucun équipage ne fut formé sur le type. Après la percée allemande à Sedan, il fut décidé le 15 mai d'envoyer toute la réserve de matériel de chars en première ligne. Plusieurs unités ad hoc furent formées à la hâte. Les 12 premiers AMC 35 furent utilisés pour équiper le 11ème Groupement de Cavalerie ; puis 5 corps-francs motorisés encore plus informels furent formés, chacun devant être équipé de 7 chars, mais seuls 5 AMC 35 purent dans un premier temps être préparés pour eux ; 7 autres furent livrés plus tard. Les équipages signalèrent que le matériel n'était pas fiable et souffrait d'une portée extrêmement courte en terrain accidenté. Les CFM menèrent une bataille dilatoire entre les fleuves de la Seine et Loire.
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Les Ateliers de construction d'Issy-les-Moulineaux (AMX), 1935. À partir de 1935, ces ateliers produisirent des AMC 35. De 1991 à 2002, on y trouve des ateliers d'artistes. Par la suite, l'édifice fut détruit. -
Dans la littérature anglophone, l'AMC 35 est souvent présenté comme une chance ratée majeure pour la France de renverser la vapeur contre l'Allemagne : sa tourelle biplace était alors considérée comme mieux adaptée aux exigences de la guerre de manœuvre moderne. Par exemple, l'historien des blindées Brian Terence White jugea le char très favorablement : « ... l'un des chars français les plus avancés pour sa taille en ce qu'en plus d'être équipé d'un bon canon, il avait une tourelle biplace ... avec tous les avantages de commandement que cela conférait. ... quelque peu surprenant, car rétrospectivement, cela semble avoir été l'un des meilleurs chars légers français d'avant-guerre, seuls 100 furent construits. » Le char peut cependant être interprété comme un excellent exemple des contraintes de conception qui forcèrent la France à adopter des tourelles monoplaces sur ses autres chars : le prix de la tourelle spacieuse de l'AMC 35 était peu fiable et, pour le rôle de char moyen, lamentablement sous-blindé. L'épave d'un AMC 35 fut récupérée et restaurée au Musée des Blindés de Saumur, où elle est exposée depuis 2006. Les véhicules capturés par l'Allemagne lors de la chute de la France furent utilisés par la Wehrmacht sous le nom de Pz.Kpfw. AMC 738(f) ou (b) (selon qu'ils furent capturés respectivement aux Français ou aux Belges) pour la formation des conducteurs.
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AMC 34 & 35