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Genèse
Le Renault D2 basé sur le D1, était plus massif (le D2 pesait presque 20 t) que ce dernier mais la suspension était toujours à grands ressorts verticaux. Par contre, il était doté d'une nouvelle tourelle. Le D2 fut accepté pour la production en 1933 et 100 exemplaires en 2 séries distinctes furent réalisés. L'équipage reste inchangé et était toujours composé d'un commandant, d'un pilote et d'un radiotélégraphiste.
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Design
La caisse était composée de plaques planes vissées sur cadre cornière, mais cependant les têtes de vis ne dépassaient plus du blindage. L'espace au-dessus des chenilles, était occupé par de longs coffres trapézoïdaux. Contrairement au D1, le poste de pilotage du D2 était intégré au glacis (en pente) et seul un viseur blindé permettait de le situer de l'extérieur. Le D2 n'était pas doté d'une queue de franchissement. L'antenne-cadre triangulaire du D1 était remplacée par une antenne rigide sur isolateur et une antenne-fouet à l'avant (pour les chars de commandement seulement). Le blindage atteignait 40mm d'épaisseur aux endroits sensibles. Le D2 était armé d'un canon SA 34 de 47mm sur tourelle APX-1 (pour la 1ère série) ou SA 35 sur tourelle APX-4 (pour la 2ème série) et d'une mitrailleuse indépendante. La tourelle APX-4 était plus massive et plus asymétrique que l'APX-1, mais les deux étaient de forme prismatique. Les trains de roulement des D2 étaient presque identiques à ceux des D1. Contrairement au D1, le D2 était doté de 3 rouleaux porteurs de chaque côté (à la place des glissières). Le D2 était lent et souffrait d'une faible autonomie mais était facile à produire et était un char assez correct en définitive. Cependant, il ne remporta pas l'adhésion des militaires français. La deuxième série de production sera livrée trop tard pour jouer un rôle important dans la bataille. Les chars de la première série étaient trop peu performants pour jouer également un grand rôle sur les champs de bataille.
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19ème Bataillon de Chars de Combat, 1ère Compagnie. Détruit le 7 juin dans la forêt de Compiègne. Évacué sur remorque vers P.E.B. 101 de Villotran pour révision. -
19ème Bataillon de Chars de Combat, 2ème Compagnie, 4ème Section, France, 27 mai 1940. -
19ème Bataillon de Chars de Combat, France, mai 1940. -
En Action
En avril 1937, le 507ème Régiment de Chars de Combat d'Élite basé à Metz est la première unité à recevoir le D2. Après que suffisamment d'équipages aient été formés, 3 compagnies de chars furent créées, qui le 14 juillet de la même année participèrent au défilé du 14 juillet, qui était toujours utilisé pour présenter publiquement de nouveaux types. Certains exemplaires étaient ornés du schéma de camouflage d'usine le plus complexe, utilisant 8 teintes différentes soulignées de noir, parmi lesquelles des couleurs surprenantes comme le violet foncé, le lilas et le bleu ciel. Le 1er octobre 1937, le 1er Bataillon du Régiment (1/507) fut créé en tant qu'unité de D2 avec un lot de 45 chars : chaque compagnie avait 4 sections de 3 chars et 2 véhicules de commandement ; 3 faisaient partie de la réserve du bataillon central. Les 5 chars restants furent utilisés dans l'École de Conduite Centrale. À partir du 5 septembre, Charles de Gaulle commanda l'unité, avec le grade de lieutenant-colonel jusqu'au 25 décembre 1937, date à laquelle il fut promu colonel. De Gaulle, le plus grand spécialiste français des blindés à l'époque, utilisa ce type pour tester ses idées sur la tactique des chars, en particulier dans le domaine des communications radio. Bien qu'il s'agisse d'une nette amélioration par rapport au D1, le nouveau matériel avait ses défauts. Il n'était pas fiable ; le moteur, la transmission, la direction et le refroidissement étaient trop faibles ; et s'usait rapidement, exigeant un gros effort de maintenance. Cela impliquait que l'état de préparation était faible pour un type représentant à l'été 1937 la majorité des chars à canon de 47mm en France, le D1 ayant été progressivement retiré pour être envoyé aux colonies, le B1 bis étant construit au rythme de 3 par mois et le S35 doit même encore entrer en production de masse. Le 26 juin 1938, les chars furent nommés individuellement d’après de grandes victoires militaires françaises lors d'une cérémonie spéciale, baptisés avec des bouteilles de champagne. De Gaulle utilisera l'Austerlitz, le Rocroi et enfin le Yorktown comme son char personnel lors des parades, ayant un coussin fixé sur la trappe de la tourelle sur laquelle il devait s'asseoir, pour accentuer sa taille physique déjà grande ; ses jambes étaient si longues qu'il devait les laisser reposer sur les épaules du conducteur.
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Le colonel De Gaulle devant un D2, à l’époque commandant du 507ème Régiment de Chars à Metz, 1937. -
Selon les plans de mobilisation, les régiments de chars devaient être divisés et leurs bataillons réorganisés en brigades de chars autonomes, les groupements de bataillons de chars, qui serviraient de réserve blindée au niveau de l'armée (groupe). Ainsi, le 27 août 1939, le 1er Bataillon de Régiment fut rebaptisé 19ème Bataillon de Chars de Combat sous le Commandant Ayme, et fait partie du 507ème Groupement de Bataillons de Chars, lui-même affecté à la réserve blindée du 2ème Groupe d'Armées. La mobilisation des 2 échelons (A et B) du bataillon fut achevée le 1er septembre et le lendemain de Gaulle démissionne de son commandement pour devenir commandant de la réserve blindée de la 5ème Armée. Après le déclenchement de la guerre, la France devient belligérante le 3 septembre, plusieurs réorganisations rapides eurent lieu : le 6 septembre le bataillon fut réaffecté au GBC 510, le 8 septembre au GBC 511 et enfin à partir du 13 septembre participe à l'offensive de la Sarre en tant que partie du GBC 517, la réserve de la 5ème Armée. Se déplaçant sur leurs chenilles à 120 km de la ligne de front, 30 des 40 chars déployés tombèrent en panne : les vibrations provoquées par la conduite sur une route goudronnée ruinèrent les systèmes de suspension. L'unité fut gardée en réserve pour repousser une éventuelle contre-attaque des blindés allemands, qui ne s'est jamais concrétisée. Pendant l'hiver rigoureux de 1940, le bataillon resta en position de combat. Il apparut vite que le type était mal adapté aux conditions de neige et de verglas : les profils des chenilles étaient trop plats et de nombreux véhicules furent impliqués dans des accidents graves, glissant dans un ravin.
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D2 n°2025 Yorktown du 19ème Bataillon de Chars de Combat, Althorn, début janvier 1940. Description de l’époque : « Les chars d’assaut sont parfois conciliants et routiniers, et ils suivent alors docilement les voies et les chemins, même forestiers, dont leurs chenilles s'accommodent fort bien ; mais la neige ne les empêche pas de couper, s'il le faut, à travers champs et bois, et un arbre, même robuste, ne constitue pas un obstacle suffisant pour détourner le char de sa direction. » -
En raison de leur utilisation accrue, y compris dans les exercices d'entraînement, les D2 étaient largement usés à cette époque. Le bataillon attendait avec impatience le remplacement de ses 44 anciens véhicules par la deuxième série de production. La décision en mars de mettre à niveau les chars existants fut une grave déception car elle impliquait que le nombre de véhicules opérationnels diminuerait encore davantage dans un premier temps, car ils étaient progressivement retirés de l'effectif du bataillon à reconstruire. Le 26 avril, la situation se détériora encore lorsque l'ordre est venu de scinder l'une des sociétés. Le 7 mai, il sera transformé en une compagnie de chars autonome, la 345ème Compagnie Autonome de Chars de Combat sous le commandement du Capitaine Jean-Charles, pour faire partie du Corps Expéditionnaire Français de Scandinavie, le Corps expéditionnaire Français Corps de Scandinavie, qui avait été constitué pendant l'hiver pour aider la Finlande contre l'URSS pendant la Guerre d'Hiver. La Finlande ayant déjà été vaincue, elle est maintenant redirigée pour aider la Norvège contre l'invasion allemande lors de l'opération Weserübung. Par tirage au sort, il fut décidé que la 1ère Compagnie du 19ème Bataillon de Chars de Combat serait envoyé. La compagnie serait équipée de 14 chars de la deuxième série de production, laissant derrière elle ses anciens chars. Cela semblait impliquer que les nouveaux véhicules ne seraient jamais destinés au 19ème Bataillon de Chars de Combat, pas même dans une phase ultérieure. Le 29 avril, la compagnie reçut ses chars de remplacement, mais ceux-ci se révélèrent être, bien que neufs, en très mauvais état mécanique et tombèrent en panne presque immédiatement. Les causes ne furent jamais étudiées ; conformément à l'atmosphère de la 5ème Colonne qui prévalait à l'époque, le dysfonctionnement n'était pas attribué à un contrôle qualité structurellement déficient chez Renault combiné à une procédure d'acceptation hâtive, mais à un sabotage. Le projet d'envoi de l'entreprise en Norvège fut rapidement annulé car les rapports de l'hiver précédent montrent clairement que le D2 n'est pas adapté aux conditions d'enneigement.
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Bataille de France (1940)
En raison des événements mentionnés ci-dessus, le 19ème Bataillon de Chars de Combat, quelques années plus tôt encore une unité blindée d'élite et l'une des plus modernes de France, avait au moment de l'invasion allemande du 10 mai 1940 fut réduite à une force plutôt inefficace. Sa première compagnie avait été réaffectée et même les anciens véhicules de cette dernière n'étaient pas opérationnels car les boîtiers de connexion canon-mitrailleuse de leurs viseurs devaient être retirés pour être montés sur les nouveaux chars car ceux-ci avaient été livrés sans aucun. Parmi les chars des 2 autres compagnies, 21 avaient été reconstruits avec le canon le plus long, 15 de la 2ème Compagnie et 6 de la 3ème Compagnie, mais seuls 5 d'entre eux avaient fait l'objet d'une révision complète et pouvaient être considérés comme vraiment prêts au combat. Les 9 chars restants de la 3ème Compagnie étaient en cours de reconstruction et sans tourelle. Il n'y avait pas non plus de perspective directe de recevoir des véhicules plus récents, car il avait été décidé de créer 2 autres compagnies autonomes avec ceux-ci : 346 et 350èmes compagnies autonomes de chars de combat avec respectivement 10 et 12 véhicules. Cette décision s'avéra toutefois mal fondée : la situation contraignit finalement à réunir toutes les unités de D2 en un seul bataillon. Le 15 mai, les Allemands réalisèrent une percée décisive près de Sedan ; le commandement français réagit à la crise en ordonnant que toutes les réserves de matériel blindé excédentaires disponibles soient organisées en unités ad hoc, afin d'engager les forces ennemies en progression. Le 19ème Bataillon de Chars de Combat et le 345ème Compagnie Autonome de Chars de Combat étaient ce jour-là affecté à une division blindée nouvellement levée, la 4ème Division de Cuirassée, qui devait être commandée par Charles de Gaulle. Cependant, aucune de ces unités n'était dans un premier temps en mesure d'opérer dans un ensemble cohérent avec les autres sous-unités divisionnaires : le 345ème Compagnie Autonome de Chars de Combat entre le 17 et le 20 mai combattit indépendamment, attaquant vers Montcornet sur le flanc de la pénétration allemande, détruisant plusieurs colonnes ennemies en faisant trop d'embardées pour le sud ; Le 19ème Bataillon de Chars de Combat n'est pas en état de combattre et se tint à l'écart de la ligne de front, ne participant pas aux contre-attaques des 17 et 19 mai de la 4ème Division de Cuirassées près de Laon. Le 17 mai, le 346ème Compagnie Autonome de Chars de Combat leva avec 10 nouveaux chars et équipages issus du 106ème Bataillon de Chars, une unité d'instruction à l'utilisation du B1 bis. Les hommes reçurent un cours intensif sur la façon d'utiliser l'autre type de char, mais on se rendit vite compte qu'ils ne pourraient pas acquérir les compétences nécessaires dans le temps limité disponible, de sorte que la compagnie fut en fait mise à la disposition du 19ème Bataillon de Chars de Combat, qui garda de nouveaux équipages en réserve et utilisa leurs nouveaux chars en remplacement de véhicules plus anciens en panne.
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D2 capturé, 1940. -
Après avoir déjà été officiellement placé sous son commandement le 18 mai, le 21, le 345ème Compagnie Autonome de Chars de Combat réunit effectivement au 19ème Bataillon de Chars de Combat en tant que 1ère Compagnie, pour augmenter le nombre de chars opérationnels du bataillon ; d'autres mesures prises à cet effet comprenaient l'installation de tourelles sur 4 véhicules de la 3ème Compagnie et l'installation de nouveaux boîtiers de connexion de visée sur certains des anciens véhicules de la 1ère Compagnie ; 2 des anciens chars de ce dernier furent cannibalisés pour fournir des pièces de rechange. Par ces mesures, le bataillon put s'engager au combat ; il combattit pour la première fois près d'Amiens le 24 mai et put aligner un effectif maximal de 24 véhicules le lendemain. Bientôt, l'état de préparation a de nouveau décliné ; le 27 mai, jour de la grande contre-attaque de la 4ème Division de Cuirassées pour réduire la tête de pont de la Somme d'Amiens, le bataillon ne put amener sur le terrain que 17 chars et échoua lamentablement : l'infanterie française qui l'accompagna s'enfuit affolée lorsque les chars terminent leur marche d'approche derrière eux, confondant le type rare avec les blindées allemands. Lorsque les D2 avancèrent vers les positions allemandes sans tenir compte du manque de soutien d'infanterie, 7 véhicules furent détruits par les canons allemands. Pour renforcer à nouveau le bataillon afin qu'il fonctionne comme réserve blindée lors de la principale opération allemande prévue contre la France dans son ensemble, le 2 juin, le 346ème Compagnie Autonome de Chars de Combat devint une compagnie organique du 19ème Bataillon de Chars de Combat, mais en utilisant 13 véhicules plus anciens et des équipages de réserve (également mal formés), affectés le 14 mai pour remplacer la 1ère Compagnie du bataillon. Le 8 juin, le 350ème Compagnie Autonome de Chars de Combat fut formé avec 12 nouveaux véhicules ; il rejoignit le 19ème Bataillon de Chars de Combat le 19 juin. Ce jour-là, ce bataillon était déjà dans un état lamentable, ayant dû couvrir la retraite de la 4ème Division de Cuirassées lors de l'effondrement du front français. Les grandes distances parcourues et le manque de temps pour effectuer la maintenance conduisirent à une réduction rapide du nombre de chars opérationnels. Le 23 juin, 2 jours avant l'armistice, s'étant à nouveau séparé du 350ème Compagnie Autonome de Chars de Combat, le bataillon fut transformé en bataillon de chasseurs portés, les bataillons d'infanteries motorisées, ayant perdu tous leurs chars. Sur les 84 chars connus pour être livrés aux unités de l'armée, 21 furent détruits par l'action ennemie. 7, tous appartenant au 350ème Compagnie Autonome de Chars de Combat, étaient au 25 juin encore opérationnels. Sur le reste 38 furent abandonnés après une panne, 12 envoyés à un dépôt, 3 ne furent jamais en action ayant été en réserve au dépôt du 507ème Régiment de Chars de Combat à Vannes, sur 2 l'état est inconnu, et 1 tomba dans un ravin. Les Allemands capturèrent au moins 21 D2 : 9 qui furent rendus par les Français et 12 qui avaient été abandonnés mais non sabordés. Ils donnèrent au type la désignation administrative Pz.Kpfw. 733(f) mais, bien que certaines unités allemandes aient temporairement mis en service des D2 immédiatement après leur capture, ils ne l'attribuèrent apparemment jamais officiellement à aucune unité. Certaines tourelles équipaient un train blindé opérant dans les Balkans. Parmi les chars non rendus, le sort exact est inconnu mais au moins un, peut-être l'exemplaire qui était tombé dans un ravin fut, plus tard dans la guerre, utilisé pour des recherches clandestines par les ingénieurs blindés de Vichy du Service du Camouflage du Matériel.
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Renault D2