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Genèse
En janvier 1915, l'armurier français Schneider envoie son concepteur en chef, Eugène Brillié, enquêter sur les tracteurs à chenilles de la société américaine Holt, qui participent alors à un programme d'essais en Angleterre. À l'origine, le projet français consistait à assurer la mobilité des machines de coupe à fil barbelé Breton-Prétot. À son retour, Brillié, qui avait auparavant participé à la conception de véhicules blindés pour l'Espagne, convint la direction de l'entreprise d'engager des études sur le développement d'un tracteur blindé et armé, basé sur le châssis Baby Holt ; 2 donc furent commandés. Les expériences sur les tracteurs Holt débutent en mai 1915 à l'usine Schneider avec un modèle à roues directrices de 75 ch et le Baby Holt chenillé de 45 ch, montrant la supériorité de ce dernier. Le 16 juin, de nouvelles expériences s'ensuivent devant le président de la République Française, et le 10 septembre pour le commandant Ferrus, un officier qui avait participé à l'étude (et finalement à l'abandon) du projet de char Levavasseur en 1908.
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Saint-Chamond français utilisés pour l'entraînement au Fort du Trou-d'Enfer, Marly-le-Roi, France, 1920. -
Au début de 1916, le premier prototype du char Schneider fut assemblé dans un atelier de l'armée. Il comportait les chenilles et la base du tracteur Holt de fabrication américaine qui étaient déjà utilisés en France pour le remorquage de l'artillerie lourde. Le soldat Pierre Lescure conçut le compartiment de combat. Le lieutenant Fouché allongea les chenilles pour améliorer la capacité de franchissement des tranchées. Dans cette première forme, le prototype du Schneider s'appelait Tracteur A - non pas pour des raisons de sécurité en matière de renseignement, mais parce que personne ne savait exactement comment appeler de tels véhicules ; le mot français char n'était pas encore appliqué aux chars justement. Eugène Brillié, le concepteur en chef de Schneider, rejeta ce prototype. Au lieu de cela, il avait inventé une queue pour le châssis de son propre char, offrant ainsi la même capacité de franchissement de tranchée, mais pour un poids et une longueur globaux inférieurs. Alors que Brillié entama l'assemblage de ce second prototype qui deviendra le Schneider C.A.1, les Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt (FAMH), basé à Saint-Chamond, dans la Loire, reçut une commande de 400 chars par le gouvernement français, un mouvement politique incité par le général Mourret du Service Automobile de l'armée. Saint-Chamond avait l'intention de construire un char qui serait en partie similaire au Schneider. Brillié refusa de partager ses brevets gratuitement et Saint-Chamond refusa de payer. En conséquence, la FAMH, ne pouvant reproduire certains détails brevetés (notamment la queue) du nouveau Schneider, développa son propre modèle. Il comprenait une transmission essence-électrique Crochat-Colardeau, un système de traction déjà utilisé sur les autorails en service avec les chemins de fer français. De plus, la liberté de concevoir un véhicule à chenilles plus lourd et plus grand donna à Saint-Chamond l'opportunité d'éclipser la société Schneider. Il le fit en installant sur son char un canon de campagne plus puissant de 75mm et 4 mitrailleuses Hotchkiss au lieu des 2 présentes sur le Schneider. Le directeur technique de Saint-Chamond était le colonel Émile Rimailho, un officier d'artillerie mécontent de la récompense insuffisante qu'il avait reçue pour avoir aidé à concevoir le célèbre canon de campagne Mle 1897 de 75mm ainsi que l'obusier Mle 1904 Rimailho de 155mm. Après son départ du système d'arsenal de l'État Français soit l’Atelier de Constructions de Puteaux (APX) et son arrivée à Saint-Chamond, Rimailho adapta un canon de campagne de 75mm conçu par Mondragon pour la production de l'Armée Mexicaine. Il s'agissait du canon TR Saint-Chamond (Mle 1915) de 75mm exclusif, conçu pour tirer les munitions françaises régulières. Le gouvernement français s'était déjà engagé en mai 1915 à acheter le canon Saint-Chamond de 75mm. On ne sait pas si les canons des Saint-Chamond furent prélevés sur les stocks existants ou sur une nouvelle production. Le colonel Rimailho, qui avait un intérêt financier direct à vendre le canon de sa compagnie, incita le Ministère de la Guerre à préciser que le nouveau Saint-Chamond monterait également le canon Saint-Chamond de 75mm. Ce faisant, Rimailho avait également éclipsé le Schneider C.A.1 qui ne pouvait être équipé que d'un plus petit canon de forteresse fabriqué par Schneider tirant une munition à charge réduite de 75mm. Pour accueillir un canon de campagne de longueur normale et pleine grandeur de 75mm, une caisse plus longue que sur le Schneider était essentielle. Le premier prototype du Saint-Chamond, un véhicule à chenilles plus long et plus lourd que le Schneider, fut présenté pour la première fois à l'Armée Française en avril 1916.
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Chaîne de montage de Saint-Chamond. -
Lorsque le colonel Jean Baptiste Eugène Estienne, qui avait pris l'initiative de créer l'armement français des chars, apprit qu'une commande de 400 chars supplémentaires avait été passée le 8 avril 1916, il fut d'abord assez ravi. Lorsqu'il devint plus tard évident qu'ils seraient d'un type différent, Estienne fut choquée et écrivit : Je suis douloureusement surpris qu'un ordre de cette importance ait été lancé sans demander l'avis du seul officier qui, à l'époque, avait entrepris une étude approfondie des aspects techniques et militaires impliqués et qui avait amené le commandant suprême à la décision de prendre ce chemin.
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Véhicule basé sur un tracteur Baby Holt fortement modifié ; train de roulement allongé, moteur repositionné au centre, dispositifs avant et arrière pour franchissement de tranchées. Service Technique Automobile, février-mars 1916. -
La Machine n°1 Type C, dite Machine profilée avec son imposant nez en forme d'arc, Service Technique Automobile, mars 1916. On commence lentement à voir, petit à petit, le futur Saint-Chamond. -
Prototype (tracteur St. Chamond) du Service Technique Automobile, août 1916. -
Prototype du cuirassé terrestre Saint-Chamond toujours en 1916. Le char a presque la forme définitive du premier modèle de série. Les jupes blindées protégeant les chenilles furent abandonnées car elles provoquent trop de bourrages. -
Design
À la suite des manipulations de Rimailho, le nouveau char était devenu un véhicule plutôt encombrant et sous-alimenté. Il manquait d’une tourelle rotative, utilisant à la place un grand compartiment avant en surplomb abritant le long canon de 75mm dépassant du nez. Il convient de souligner que tous les canons de campagne français de 75mm à l'époque utilisaient la même méthode de contrôle de rotation. L'ensemble de la culasse était déplacé d'un côté à l'autre par un engrenage à vis sans fin sur l'axe du canon. Cela signifiait que les ingénieurs de Saint-Chamond n'avaient d'autre choix que d'installer l'ensemble du canon dans le compartiment de combat. Dans le compartiment de combat avant et à gauche se trouvait le conducteur, également le commandant du véhicule. À droite, un mitrailleur utilisait la mitrailleuse avant Hotchkiss. Ce mitrailleur était également responsable de la manœuvre de culasse du canon de 75mm qu'il devait effectuer après avoir pivoté sur son siège vers la gauche. Un chargeur (appelé dans certaines sources le mitrailleur) ajustait l'élévation du canon, observant la cible à travers une petite trappe à l'avant du char, ce qui le rendait vulnérable aux tirs ennemis. Traverser le canon de 75mm au-delà des limites de rotation du canon (soit 6°) nécessitait de pivoter tout le char, et cela était effectué par le conducteur. Un deuxième compartiment de combat à l'arrière contenait un mitrailleur à côté du poste de conduite secondaire, où le char pouvait également être repoussé par le mécanicien en cas d'urgence. Entre ces deux compartiments se trouvaient à l'air libre le moteur à essence et le générateur électrique. Des passages étroits des deux côtés du moteur reliaient les compartiments avant et arrière. Les passages tenaient également des positions Hotchkiss, une de chaque côté devant le moteur. Au total, le Saint-Chamond disposait de 4 positions de mitrailleuses Hotchkiss Mle 1914 : une à l'avant, une à l'arrière et une de chaque côté du char.
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Suspension. -
Pignon & Tendeur. -
Malgré son poids de 23 t, le char pouvait atteindre une vitesse de pointe de 12 km/h. Cette vitesse était rarement atteinte sur le terrain car le long nez avait tendance à s'enfoncer dans le sol. La vitesse max relativement élevée sur terrain plat était rendue possible par la transmission Crochat-Colardeau qui couplait un moteur essence 4 cylindres Panhard-Levassor de 90 ch à soupapes à manchon à un générateur électrique capable de fournir une puissance de 260 A sous 200 V. Le générateur était relié à 2 moteurs électriques distincts, un pour chaque chenille, permettant ainsi une parfaite direction progressive du char.
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Intérieur du Saint-Chamond. -
Insigne de l’Artillerie Spéciale de Saint Chamond. -
En raison de ses chenilles courtes et de sa carrosserie surdimensionnée, le véhicule éprouvait de grandes difficultés à franchir les tranchées et à surmonter les obstacles. Cela entraîna des réactions tellement négatives de la part des équipages à l'entraînement qu'une mention spéciale fut transmise au Grand Quartier Général : Personne ne veut servir sur le Saint-Chamond. Le sous-lieutenant de Gouyon, moniteur d'auto-école principal de Saint-Chamond à Marly, déclara publiquement qu'il lui était devenu quasiment impossible de continuer à exercer et, puisqu'il est député, qu'il demanderait que l'affaire soit placée au prochain ordre du jour parlementaire.
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Groupe Motopropulseur. -
Modèles & Production
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Saint-Chamond M1 (1916)
Modèle de base.
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Attaque du 11 juin 1917 dans le secteur de Lataule. -
AS 31, Armée Française, Laffaux, France, 1917. -
Saint-Chamond M2
À l'origine l'équipage de 9 hommes était protégé par 11mm de blindage en acier sur le devant incliné et 17mm sur les flancs. Plus tard, l'ajout d'une couche supplémentaire de blindage espacé de 8,5mm à l'avant améliora la protection. À partir du 151ème véhicule, le toit fut également repensé avec une double pente afin que les charges de cartable et les grenades glissent. Simultanément, les deux tourelles d'observation d'origine à l'avant et au-dessus furent supprimées et remplacées par une seule tourelle carrée à profil bas permettant une vision de l'avant et des flancs par le conducteur/commandant du char. Avec le temps, les chenilles furent également élargies en 2 parties de 32,4 à 41,2 cm pour diminuer la pression au sol.
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Ce Saint Chamond appartiendra à l’AS 32 (après l'engagement du 11 juin 1918 dans le secteur de Méry). Il participera au combat du secteur de Missy-aux-Bois des 18 et 19 juillet 1918, avec la 1ère Division d'Infanterie Américaine. Le 19 juillet 1918, au début de l'attaque vers Berzy, il reste en dérangement au nord-est de la ferme de Cravençon. Il est, au retour du 11ème Groupe, au camp d’Artillerie Spéciale de Martigny-les-Bains, réaffecté à l’AS 42 en août 1918 et sera déployé, avec ce groupement dans le secteur du Moulin-sous-Touvent, et non engagé au combat suite à une rupture d’une chenille et à une casse de moteur. -
Saint-Chamond M3 (Saint-Chamond Mle 1918)
Après le 210ème Saint-Chamond, le canon de Mle 1897 plus efficace fut installé à la place du canon Saint-Chamond de 75mm (rentable) de Rimailho. À peu près au même moment, des rouleaux en forme de tonneau furent ajoutés sous l'avant et l'arrière du char pour aider à traverser les tranchées. Cette version améliorée fut plus tard appelée, officieusement, le Modèle 18. La production ralentit en mars 1918, après qu'au moins 377 avaient été assemblés, et cessa complètement en juillet 1918.
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Combat de Mery. Le n°62668 entre seul dans le village de Lataule le 11 juin 1918. Le char est endommagé en traversant le mur du cimetière et tombe en panne dans la rue de Cuvilly. L'équipage abandonne le véhicule et disparaît en tentant de regagner les lignes françaises. Le char est capturé presque intact par les Allemands.
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Conversions
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Saint-Chamond Caisson (1917)
48 Saint-Chamond furent modifiés en véhicules de ravitaillement et de récupération pouvant tracter les Schneider plus légers.
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N°62451, AS 33. Affecté au Groupe Chaubès en mars 1917, puis à l’AS 33 le 23 novembre 1917. Présent le 11 juin 1918 dans le secteur de Courcelles-Epayelles (Bataille de Méry). -
Saint-Chamond Porte-Munitions (1918)
Après la guerre, 54 furent reconstruits en porte-munitions ; le reste fut en grande partie mis au rebut.
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Saint-Chamond Bêche (1917)
Le n°62699 était équipé de bêches à la place du canon de 75mm pour détruire le parapet des tranchées et les combler partiellement.
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Saint-Chamond 120mm Automobilette (1916)
Char prototype n°2 de la Section Technique Automobile construit par l'équipe de Charles Fouché. Il est construit sur la base du deuxième châssis réalisé à partir de 2 tracteurs Baby Holt. Ce char sera présenté équipé d'un canon Bacquet (ce n'est pas la pièce en photo) de 120mm, puis testé en char bulldozer. Surnommé Automobilette, parce que construit dans les locaux de cette ancienne société automobile. Ce char fut comptabilisé comme Saint-Chamond n°400 dans une note du 20 novembre 1916, note rendant compte de l'état des engins chenillés (Saint-Chamond, Schneider & Holt) présents au Trou d'Enfer.
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En Action
Leur première action en tant que véhicule de combat eut lieu au Moulin de Laffaux le 5 mai 1917. 16 Saint-Chamond y furent engagés, plusieurs d'entre eux s'enlisant dans des tranchées, mais seuls 3 furent détruits au combat. Pendant le reste de la guerre, 12 groupes au total furent formés avec des Saint-Chamond : 31 au à la 42ème AS. Au milieu de l'année 1918, les combats ayant quitté les tranchées pour les champs, il sert à engager à distance les batteries de canons de campagne allemands (Nahkampfbatterien) avec son canon de 75mm. Le Saint-Chamond se montra enfin assez efficace dans ce rôle de canon d'assaut spécialisé. Le dernier engagement au combat du Saint-Chamond, avec initialement 16 chars, eut lieu début octobre 1918, en soutien de la 1ère Division Américaine près de Montfaucon. Comme indiqué dans The Fighting Tanks Since 1916 - Tank Combat History During World War 1 and Subsequent Designs, de Ralph E. Jones, en référence à ce dernier engagement : « Les Saint Chamond étaient handicapés par l'endommagement de leurs chenilles, par des déraillements, par la casse des chapeaux de bielles des bogies avant et des axes de chenille ». À cette époque, le Renault FT avait pris le rôle majeur dans la force de chars française et avait également été acheté par les forces expéditionnaires américaines en France. Cependant, au moins un Saint-Chamond fut conservé comme mémorial : il y en avait un à l'École des Chars de Versailles de 1919 à 1940 lorsque les Allemands le mirent vraisemblablement au rebut avec les autres chars exposés. Il y a des histoires non fondées sur l'utilisation par la Pologne du Saint-Chamond contre l'Armée Rouge en 1920. Si c'est vrai, ces spécimens ne provenaient probablement pas de l'URSS car cette dernière n'en avait jamais été fournie et les forces expéditionnaires françaises en Russie n'étaient équipées que de Renault FT.
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Le Saint-Chamond n°62523 Loup-Garou de la 3ème Batterie de l'AS 34 (Groupement XI) traverse le village Dommiers dans l'Aisne, 1917.
Saint Chamond