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Genèse
Le char de bataille B1 bis fut le char français le plus remarquable de la Seconde Guerre Mondiale. Il est le résultat d'une proposition faite par le Général Estienne (Section Technique des Chars de Combat) en 1920. En 1926, il fit un appel d'offres à 5 sociétés pour un véhicule blindé de 15 t avec un canon de 47 ou de 75mm sous casemate, comprenant des éléments de plusieurs firmes différentes, tel que la suspension, la transmission (Schneider) et le moteur (Renault). En 1924, 4 modèles en bois furent présentés à l'Arsenal de Rueil (ARL) et furent suivis 3 ans après par les 3 prototypes des firmes FAMH (Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt), FCM (Forges et Chantiers de la Méditerranée) et Renault-Schneider. Ces véhicules reçurent la désignation de Char B. Le poids était de 25 t, un canon de 75mm était monté sous casemate, 2 mitrailleuses étaient montées à l'avant de la caisse et 2 autres sous tourelle. L'équipage était de 4.
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Le Delaunay-Belleville (un Renault FT renforcé et allongé) ne répondant pas au cahier des charges du programme et fut rapidement abandonnée. Cependant, l'expérience acquise permet de définir le cahier des charges du futur B1 et ces dispositifs sont à l'origine du Dual, un concept qui sera suivi jusqu'au début de la Seconde Guerre Mondiale. -
SRA. -
SRB. -
FAMH. -
Prototype du B1. -
Design
Le B1 bis avait une caisse constituée de plaques d'acier boulonnées et de plaques blindées. Le train de roulement était protégé par des jupes blindées. La caisse était divisée en 2 compartiments par une cloison pare-feu : le compartiment de combat à l'avant (avec les 4 hommes d'équipage) et le compartiment moteur-transmission à l'arrière. Le pilote (aussi canonnier du 75mm) dirigeait le char grâce à un volant de direction relié par des arbres à chaîne au système hydrostatique Naeder. L'affinage de la mise en direction du canon de 75mm se faisait via un volant de pointage. Ce volant était situé derrière un mantelet boulonné sur la plage avant (à droite). L'élévation du canon causait le déplacement (au moyen d'un système de bielles) de la lunette de tir dans le poste de pilotage. Le système à air comprimé Luchard permettait l'évacuation instantanée de la fumée du tir. Le canon était flanqué à droite d'une mitrailleuse fixe, actionnée par le pilote ou le chef-de-char. Elle était pointée en site grâce à une boucle montée sur un support. Le chargeur vissait les fusées sur les projectiles de 75mm, chargeait le canon et approvisionnait la mitrailleuse. Quand le commandant de bord avait épuisé les obus de 47mm, le chargeur devait en plus de ses autres missions les recompléter.
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Avant et arrière de caisse du B1 bis. -
Intérieur de caisse. -
Le commandant avait à sa disposition un émetteur-récepteur, un interphone et un indicateur de cap gyroscopique. Le radiotélégraphiste était assis juste en dessous du commandant, seul dans la tourelle APX-4. Cette tourelle était la même que celle montée sur le char de cavalerie Somua, accueillant le canon de 47mm semi-automatique modèle 35, couplée à une mitrailleuse de 7,5mm Châtellerault à pointage électrique. Le B1 était doté d'une tourelle APX-1 comme le D2. L'emport en munitions était de 75 HE pour le 75mm et 50 obus (APC et HE) pour le 47mm et 5 100 balles pour les mitrailleuses.
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Poste de tir principal du 75mm. -
Canon SA 35 de 47mm. -
Sur le côté droit de la caisse, était située la trappe d'accès (principale). Le pilote disposait d'un volet à la hauteur de sa tête et le commandant avait à sa disposition un volet à l'arrière de la tourelle. Un trou d'homme était aménagé dans le plancher de la caisse. Il y avait également des trappes d'évacuation de douilles et une trappe de secours sur le toit de compartiment du moteur. Le compartiment-moteur était divisé en 3 parties. Le moteur et la transmission était placé au centre. Sur la droite, un couloir menait via une porte dans la cloison, aux indicateurs de niveau du carburant et à une partie des munitions. Toujours à droite, on trouvait 2 réservoirs étanches. Un autre réservoir était placé du côté gauche avec 2 radiateurs et un ventilateur. Ce dernier aspirait l'air de l'extérieur et le faisait passer sur le moteur, puis l'expulsait à travers la grille présente sur le côté gauche du char.
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Stockage de munitions. -
Tourelle du B1 bis : APX-4. -
Le moteur Renault 6 cylindres d'aviation était équipé d'un démarreur électrique et d'un dispositif à air comprimé. L'ensemble boîte de vitesses-transmission était relié directement au réducteur et transmettait la puissance du moteur aux barbotins via des différentiels auxiliaires dirigés par le système hydrostatique Naeder (pour la direction). Ce système très sophistiqué permettait des changements très précis de direction, indispensables pour le pointage du canon de 75mm. Les freins à tambour à servo-frein (bandages à sec), installés sur les différentiels auxiliaires, intervenaient également dans les changements de direction.
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Poste de conduite. -
Pont avant et arrière du B1 bis. -
La suspension était composée, de chaque côté, de 4 galets tendeurs et 3 chariots porteurs. Chaque chariot était composé de 4 galets couplés aux balanciers articulés en leur centre et reliés à de gros ressorts verticaux. Les poulies de tension à l'avant étaient dotées chacune d'un ressort, ce qui permettait de régler la tension des chenilles de l'intérieur. Ce train de roulement complexe nécessitait une lubrification assez importante qui était facilitée par un système de graissage composé de 4 groupes, ainsi qu'une maintenance constante. Le blindage épais au maximum de 60mm à l'avant et sur les flancs était très épais pour l'époque et à l’abri de quasi tous les canons allemands.
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Modèles
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B1
La production du B1 (version quelque peu modifiée du Char B) démarra en 1935, 35-40 exemplaires furent produits. Ce modèle, trop complexe et difficile à construire, possédait un système de rotation de tourelle électrique et était dirigée grâce à un double différentiel combiné avec le Naeder (une unité hydrostatique). Le pilote au moyen de la commande de direction Naeder pour positionner le canon de 75mm car ce dernier ne pouvait pas pivoter latéralement. La suspension Holt protégée par des jupes blindées, comprenait des ressorts hélicoïdaux et à lames sur des articulations verticales. La puissance du moteur était transférée aux chenilles via des barbotins arrière. Les chenilles pouvaient être ajustées de l'intérieur. La tourelle était une APX-1. Le B1 était également doté d'une trappe de secours sur le plancher, et d'un démarreur électrique.
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Le « Reims » fut affecté en 1940 au 108ème Bataillon d’Instruction de Chars, puis réarmé avec un canon long SA 35 de 47mm. Le 15 juin 1940, l'ordre fut donné d'aller avec 2 autres chars près de La Charité-sur-Loire et de tenir 24 h pour protéger la retraite de l'Armée du général Michelin. Le 17 juin 1940, à Sancergues (Cher), le Reims était incapable de bouger, après engagement avec l'ennemi. Les deux autres chars ne peuvent pas le remorquer, il fut abandonné après neutralisation de l'armement. -
De Gaulle, 4ème Division de Cuirassées, Bataille de Montcornet, 17 mai 1940. -
B1 bis
Le B1 fut vite abandonné au profit d'une version améliorée, le B1 bis, doté d'une tourelle APX-4, ainsi que d'un moteur plus puissant et d'une capacité de réservoirs accrue (réservoirs ARL ou FCM). Cependant, ce char connaîtra beaucoup de pannes sur le champ de bataille et sa maintenance était malaisée. La mitrailleuse coaxiale pouvait pivoter de 10° vers la gauche comme vers la droite indépendamment de la rotation de la tourelle. Le moteur d'origine de 250 ch fut remplacé par un moteur d'avion. La caisse était assemblée par boulonnage. Le B1 bis fut produit à 365-380 exemplaires par les firmes Renault, FAMH, Saint-Chamond, et Schneider à partir de 1937, suivies par AMX en 1939.
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B1 bis n°505, l'un des 3 véhicules sans tourelle livrés en mai 1940, équipé d'un réservoir d'essence supplémentaire. -
B1 bis n°252 « Flamberge » de la 1ère Section, 2ème Compagnie, 15ème Bataillon de Chars de Combat (2ème Division de Cuirassées), France, 1940. -
B1 bis capturé par les FFI (Forces Françaises de l’Intérieur), Bataille de Paris, août 1944. -
B1 ter
Ce modèle doté d'un moteur Renault (dont le prototype fut réalisé en 1937) fut produit à 5 exemplaires en 1940. Sa transmission BDR occupait moins d'espace dans le compartiment de combat. Les hauts des chenilles passaient sous des tunnels blindés et les jupes blindées latérales étaient pentues. L'équipage de 4 hommes était complété par un mécanicien. Le programme du B1 ter fut mis de côté et la priorité fut donnée à la production de masse du B1 bis.
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Le dernier prototype de présérie était prêt au début de 1940, mais la production fut annulée pour les modèles moins chers et plus simples. Les 3 chars construits disparurent lors du torpillage du navire, qui les évacua vers l'Afrique du Nord. Seul survit, le troisième char, assemblé à FCM, caché des commissions d'armistice, et utilisé pour des expériences en zone libre.
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Conversions
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Françaises
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B40 (1940)
Le projet B40 fait suite à la décision de la Commission d'Examen des projets de chars de bataille du 28 février 1940 de développer un successeur aux B1 dont le ter devait être la dernière version. Deux constructeurs travaillaient déjà sur ce projet avant son officialisation et différaient du point de vue motorisation et transmission. D’abord, le projet de l’Atelier de Construction de Rueil (ARL) à moteur Talbot surcomprimé. La transmission devait être assurée par un système Naeder amélioré et simplifié. Deux autres solutions de transmission furent envisagées, le B.N. système électrique de la SEAM et le TAHV, appareil hydraulique moins sophistiqué que le Naeder. Les capacités de ces deux systèmes se révélèrent très en deçà des performances du Naeder. Vint ensuite le projet de l'Atelier de Construction d'Issy-les-Moulineaux (AMX) propulsé par un moteur diesel et une transmission électrique Alsthom.
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Le projet B40 reprend une grande partie des composants du B1 ter. Le blindage prévu sur les faces avant et latérales était de 80mm. Les parois inclinées du B1 ter ne sont pas conservées. Blindage arrière était de 60mm ; le plancher et les flancs de 4 mm et le toit de 30mm. Le train de roulement était dérivé du B1 ter, la largeur des patins de chenille passa à 60 cm. L'étude se poursuivra clandestinement sous l'occupation et permettra d'arriver à l'ARL 44. L’anneau de tourelle ARL 2 est de 1,68 m (contre 1,21 m sur l'APX 4). Cette taille permet à un membre d'équipage de seconder le chef de char pour le service des armes.
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La première conception (hypothétique) du B40, armé d'un canon SA37 de 47mm dans une tourelle ARL 2C et d'un canon de soutien d'infanterie SA35 de 75mm dans la caisse avant. -
La deuxième conception (hypothétique) du B40, armé d'un canon de 75mm dans une tourelle ARL 4. Le canon de 7 mm est placé ici en tourelle et le canon d'étrave est supprimé.
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Allemandes
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Flammwagen auf Panzerkampfwagen B2(f)
Char lance-flammes.
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Flammwagen auf Panzerkampfwagen B2(f) positionnés sur l'île de Jersey (îles anglo-normandes). -
102ème Bataillon de Panzers, URSS, juillet 1941. -
Fahrschulewagen Pz.Kpfw. B1(f)
Char d'instruction dont la tourelle avait été remplacée par une mitrailleuse.
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10,5 cm leFH18/3 (Sf) auf G.W. B2(f)
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En Action
Le B1 servit avec les divisions blindées de l'infanterie et les divisions de cuirassées. Il s'agissait d'unités offensives hautement spécialisées, pour percer des positions fortifiées. La phase mobile d'une bataille devait être menée par les divisions légères mécaniques de la cavalerie, équipées du S35. La 1ère et la 2ème Division de Cuirassées avaient chacun 69 B1 ; le 3ème : 68. Le 37ème Bataillon de Chars de Combat, au service de la 1ère Division de Cuirassées, fut d'abord équipé du B1 d'origine ; ces véhicules furent rééquipés du canon SA 35 plus long au printemps 1940 et la tourelle fut renommée APX-1A. Le bataillon fut rééquipé avec le B1 bis et fin mai renforcé par 5 des chars d'origine.
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Bataille de France (1940)
Après l'invasion allemande, plusieurs unités ad hoc furent formées : le 46ème Bataillon de Chars de Combat (4ème Division de Cuirassées) avec 52 B1 et 5 compagnies autonomes (347, 348, 349, 352 et 353èmes Compagnie Autonome de Chars) avec au total 56 chars : 12 B1 et 44 B1 bis ; le 28ème Bataillon de Chars de Combat fut reconstitué avec 34 chars. Les divisions régulières détruisirent pas mal de chars allemands mais manquaient d'infanterie et d'artillerie organiques suffisantes pour fonctionner comme une réserve mobile efficace.
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En Belgique, une civile puis un soldat allemand devant un B1 abandonné du 37ème Bataillon de Chars de Combat et les dégâts d'un bâtiment à Ermeton-sur-Biert à Namur. Le char fut abandonné le 14 mai 1940 par l'équipage, la photo fut prise probablement un peu plus tard, mai 1940. -
Front de l’Est (1941-1945)
Le 213ème Bataillon de Panzers était équipée du B1 bis et déployée sur les îles anglo-normandes de 1941 à 1945. L'un de leurs chars est exposé au Bovington Tank Museum, bien que repeint aux couleurs françaises. En service allemand, le char participa à la campagne des Balkans et au front de l'Est, initialement lors de l'opération Barbarossa, la version lance-flammes à partir de 1942. Certaines tourelles du Char B furent démontées et installées sur des bunkers allemands défendant les plages normandes au moment du Débarquement.
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Le général Walther von Reichenau inspectant le B1 bis « Glorieux » (8ème Bataillon de Chars de Combat) détruit à Moÿ-de-l'Aisne, 17 mai 1940. -
La 224ème Compagnie de Panzers, une unité d'entraînement, était équipée de plusieurs B2 équipés de lance-flammes. Ils étaient stationnés à Arnhem pendant l'opération Market Garden, perdant 6 chars au profit d'armes antichars lorsqu'ils furent envoyés pour attaquer le périmètre d'Oosterbeek les 20 et 21 septembre 1944.
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Campagne d’Italie (1943-1945)
L'Italie indépendamment de l'Allemagne captura 8 B1 bis lorsqu'en octobre 1940 un ouvrier italien révéla à la Commission Italienne d'Armistice qu'ils avaient été cachés dans une grotte près des Baux-de-Provence en juillet 1940. Ces véhicules, dont 6 n'avaient pas la tourelle, furent testés, mais probablement pas utilisés de manière opérationnelle par l'Italie. L'historien italien des blindés Nicola Pignato déclara en revanche en 1989 qu'une vingtaine de B1 bis, à divers stades de préparation et de construction, ainsi qu'un seul prototype de B1 ter de 36 t furent directement récupérés de l'usine FCM, dont un nombre inconnu devait être destiné à l'Italie. Six véhicules en service italien étaient connus sous le nom de Semovente B1 bis et manquaient de tourelles, mais furent utilisés dans des essais jusqu'en 1943, après quoi ils furent utilisés comme cible d'entraînement et porte-munitions.
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Front de l’Ouest (1944-1945)
Après l'invasion de la France par les Alliés en 1944, certains B1 furent repris. Plusieurs furent utilisés à titre individuel et accessoire par les forces de résistance, comme celles combattant la garnison allemande de Paris en août 1944. Le 7 octobre 1944, le Gouvernement Provisoire de la République Française forma le 13ème Régiment de Dragons des Forces Françaises Libres. La majorité du régiment utilisait des S35, mais la 2ème Compagnie du capitaine Edmond Voillaume était équipée de 19 B1 bis, qui comprenaient un mélange de B2 standard et allemands modifiés. Ils furent stationnés à Orléans jusqu'au 2 avril 1945, date à laquelle ils furent mobilisés pour le siège allié de La Rochelle.
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Ancien B1 bis allemand repris par la Résistance à Reims, 30 août 1944. -
Les chars furent efficaces lors de l'attaque de Royan le 15 avril 1945, utilisant leurs canons de 75mm pour l'appui-feu, tout en ciblant les casemates avec leurs canons de 47mm. Après cela, la 2ème Compagnie accompagna les troupes lors d'un assaut sur Pontaillac le 17 avril, suivi d'une attaque contre le bastion allemand de La Rochelle entre le 29 avril et le 8 mai. Voillaume reçut la Croix du Service Distingué pour ses actions. Après la guerre, le 13ème Régiment de Dragons était stationné dans la zone d'occupation française de l'Allemagne occupée par les Alliés dans le cadre de la 3ème Division Blindée Française. Il fut finalement dissous dans la ville allemande de Wittlich en avril 1946.
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B1