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Genèse & Production
Durant les années 20 et la première partie des années 30, le gros du corps blindé britannique se composait de Vickers Mk. II et les missions de reconnaissance étaient confiées aux chars légers. En 1934, il fut convenu que cette disposition tactique était obsolète et de nouveau type de véhicules devaient voir le jour. Cependant, cette période n'était pas idéale pour de gros investissements car le pays était en crise. Un successeur au Vickers Mk. II fut bien proposé en 1928, le Vickers A6 (le fameux 6-ton) qui fut cependant développé trop vite et armé d'un canon de 47mm trop peu efficace et d'un blindage manquant d'épaisseur. Cependant, ce modèle montrait la voie à suivre avec sa tourelle centrale et son moteur diesel à boîte de vitesse à trains épicycloïdaux. En 1934-1935, les constructeurs devaient faire des miracles avec des contraintes financières draconiennes. Le A6 coûtait environ 16 000 £ à la fabrication causant ainsi l'abandon du projet. Un des gros problèmes rencontrés par les ingénieurs, c'est que personne ne savait ce que ces nouveaux chars étaient censés faire dans les futurs conflits. Bien que la vieille doctrine qui consistait à employer les chars pour le seul franchissement des tranchées persistait encore, il devenait de plus en plus évidant que les chars devaient opérer de façon autonome comme la cavalerie autrefois. De plus, une reconnaissance efficace devait employer des blindés. Toutes ces pistes aboutirent à créer 3 classes de blindés : les Cruiser devant remplacer la cavalerie et être capable de se mesurer à d'autres chars, les chars d'infanterie devant fournir un appui rapproché à l'infanterie contre principalement les nids de mitrailleuses et l'artillerie ennemie (comme en 1918) en évoluant à basse vitesse et les chars légers pour la reconnaissance. L'armement devant équiper ses différents chars fut mal réfléchi et les Cruiser furent bien mal loti. Au début, ils reçurent le très peu efficace canon de 47mm puis le canon de 40mm tirant des AP. Ce dernier était efficace à l'époque mais il était incapable de mettre à feu des HE.
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A9E1 (T.356). -
Sir Carden Lloyd, en 1934, se lança dans le développement d'un nouveau char pouvant remplacer avec avantages les chars moyens : le A9. Ce nouveau véhicule était plus léger que les chars moyens et pouvait se contenter d'un moteur commercial. Il est évident que ce gain de poids se fit au détriment du blindage qui sur ce char était devenu anecdotique. Le poids du A9 n'atteignait que les 2/3 du Mark. III Medium Tank. L'organisation du A9 était raisonnable pour l'époque : une tourelle centrale, un moteur arrière, un train de roulement aux performances acceptables en tout-terrain. La mise au point finale du prototype A9E1 ne fut achevée qu'en 1937 en raison de la mort prématurée de son concepteur, Sir Carden Lloyd. Les premiers modèles de série apparurent sous la désignation Cruiser Tank Mk. I. Vickers reçut en août 1937 le premier contrat pour une série limitée de 50 exemplaires. Un autre contrat avec Harland and Wolff (Belfast) en prévoyait 75 autres. Aucune autre production ne fut prévue.
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Design
L'organisation du A9 était raisonnable pour l'époque : une tourelle centrale, un moteur arrière, un train de roulement aux performances acceptables en tout-terrain. L'équipage était composé de 6 hommes : le commandant, le tireur, le chargeur, le pilote et 2 mitrailleurs pour les tourelles auxiliaires disposées à l'avant (fort peu appréciées en fait). Le champ de tir des mitrailleuses était restreint et leur utilité mise en doute par beaucoup.
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Avant et arrière du Mk. I. -
Le Mk. I fut le premier modèle de char britannique dont la rotation de la tourelle était à commande assistée (hydraulique) et ce dispositif sera repris sur tous les développements ultérieurs. L'armement principal était le nouveau canon de 40mm remplaçant la peu convaincante pièce de 47mm devenue obsolète. Ce canon était accouplé à une Vickers de 7,7mm. Certains des premiers exemplaires furent encore équipés du canon de 47mm. Une petite série fut armée de l'obusier de 94mm. Pour la vision, le Mk. I disposait d'un nouvel épiscope présentant un net avantage sur les prismes à verre transparent.
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Tourelle. -
Autre innovation, l'installation d'un moteur auxiliaire pour le démarrage, le chargement de la batterie et l'aération du ventilateur du compartiment de combat. Le moteur principal devait être à l'origine le Rolls-Royce de la série Phantom mais les essais démontrèrent une insuffisance de puissance. En effet, le char atteignait péniblement 40 km/h sur route au prix d'une démultiplication considérable. De plus, en tout-terrain, le char atteignait à peine les 15 km/h et encore en de trop rares occasion car il déjantait souvent ses chenilles à cette vitesse ! Les véhicules de production furent dotés d'un moteur AEC de 150 ch utilisés sur de nombreux modèles d'autobus alors en service. Il était directement relié à un embrayage à sec mono-disque et à une boîte de vitesse à 5 rapports à engrenages baladeurs. La puissance du moteur était transmise à un groupe épicycloïdal à vitesse unique et freins de direction, pour finalement arriver au barbotin à 14 dents. Pour l'embrayage et les freins de direction, il y avait un nouveau système de maintien en contact des disques d'embrayage par un levier de commande agissant sur un manchon d'accouplement rapide. Le radiateur se trouvait à la droite du moteur. L'air fournis par les orifices d'aération du côté gauche arrivait au moteur à travers les radiateurs d'eau et d'huile. L'évacuation se faisait du côté droit. Le compartiment de l'équipage disposait de sa propre alimentation en air.
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Pont avant et arrière du Mark I. -
La suspension Vickers de type à action lente, apportait quelques raffinements au système très courant des bogies multiples, et était assez réussie. Il y avait 6 galets de roulement de chaque côté, répartis-en 2 bogies. Chaque bogie comprenait 2 petits galets à bandage de caoutchouc plus un grand. Les freins de direction étaient situés à l'extérieur, sur les barbotins arrière. Les chenilles étaient étroites et fragiles. Cependant, la faible puissance du moteur et la souplesse de la boîte leur procuraient une durée de vie acceptable.
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Suspension. -
Un des gros défauts du blindage outre sa faible épaisseur, est la multiplication des angles et des coins où les AP pouvaient venir se loger à la place de ricocher. Le châssis était fait de tôles rivetées.
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Modèles
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Mark I
Modèle de base avec ses 2 tourelles auxiliaires à l'avant, armées de mitrailleuses. Ces petites tourelles étaient toutefois très impopulaires auprès des équipages.
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Mark I avec le camouflage vert bicolore typique du BEF en 1940. 3ème Régiment Royal de Chars, 2ème Brigade Blindée. -
6ème Régiment Royal de Chars, Libye, désert occidental, automne 1940. -
Escadron A, 6ème Régiment Royal de Chars, Malte. -
Mark I CS
Version pour le soutient de l'infanterie (CS : close support ou appui rapproché) armé d'un obusier L/15 de 94mm à la place du canon de 40mm. Ce modèle fut mis au point en raison des faiblesses intrinsèques du 40mm face aux blockhaus et autres ouvrages de campagne. Il pouvait mettre à feu des HE-Frag comme d'autres types de munitions. Quelques rares modèles furent produits.
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Escadron A (QG), 3ème Régiment Royal de Chars, 3ème Brigade Blindée, 1ère Division Blindée, BEF, Calais, France, 1940.
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En Action
Bien que fragile et trop faiblement blindé, le Mk. I avec le II constituait 50 % de l'effectif disponible en Cruisers au début de la guerre. Les deux chars combattirent en France au sein de la 1ère Division Blindée en 1940 et en Égypte au sein des 2 et 7èmes Division Blindée en 1940-1941. La 1ère Brigade Blindée de la 2ème Division Blindée s'opposa également aux forces de l'Axe en Grèce en 1941. Cependant, ces chars déjà durement éprouvés par la Campagne d'Afrique du Nord étaient encore plus fragilisés et subirent de nombreuses pertes et de ruptures de chenilles. En fait, plus de chars furent perdus pour ces raisons que par le feu de l'ennemi. Les Mk. I furent utilisés jusqu'à l'opération Battleaxe en juin 1941. Le peu d'exemplaires produits s'explique par la disponibilité d'un Cruiser mieux conçu, le A13 (ou Mk. III).
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Cruiser Mk. I « Arnold » de la Compagnie A dans le désert de Libye, 1940.
A9 Cruiser Mk. I