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Genèse
L’A39 Tortoise avec le TOG, fut le plus lourd et le plus grand blindé construit par les Britanniques durant la 2ème Guerre Mondiale. Bien qu'ici classé en tant que char lourd, ce véhicule était avant tout un canon automoteur lourd similaire aux Elefant et Jagdtiger allemands. Le développement de ce monstre d'acier fut le résultat de plusieurs réflexions. En 1943, les Alliés et les Britanniques commençaient à s'apprêter à lancer l'assaut sur l'Europe aux mains des Allemands. Cependant, ils craignaient que leurs chars soient un peu légers pour s'opposer et résister aux nouveaux chars lourds allemands et pour percer et détruire les lignes fortifiées ennemies. Pour les théoriciens britanniques, le blindage devait être particulièrement poussé. Plusieurs conversions (comme le Valiant) de modèles existants furent tentées dans un premier temps mais furent jugées insuffisantes. Un nouveau modèle était nécessaire. Au total, Nuffield proposa 18 projets. Après quelques modifications, ce fut le Projet 16 qui fut choisi par le Tank Board le 6 février 1944. Ce dernier lors d'une réunion le 23 février 1944 proposa la commande de 25 exemplaires avant même que le prototype soit finalisé et testé ! Ces véhicules devaient être livrés pour septembre 1945. En mai 1944, une autre commande de 25 chars fut effectuée.
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Ce modèle fut officiellement nommé A39 Tortoise (Tortue). Sur cet engin, l'armement et le blindage avait été maximisé le plus possible. Cependant, pour réaliser ces deux objectifs les ingénieurs de Nuffield ne purent proposer qu'un engin sans tourelle rotative dont l'armement principal était monté dans une large superstructure blindée. Le A39 qui pouvait difficilement passé pour un char de combat était armé d'un canon de 94mm et pesait 80 t ! Quand la fin de la guerre pointa son nez, les commandes initiales furent revues à la baisse et finalement, seulement 6 exemplaires furent produits. Un Tortoise fut envoyé en Allemagne après la guerre pour être testé. Son armement prouva toute son efficacité, mais son poids en faisait un char difficile à transporter. À la fin des tests, l’A39 avait vécu. Avec son canon de 94mm le Tortoise aurait été un adversaire redoutable pour tous les chars allemands. Il était capable de percer la plupart des blindages de la fin de la guerre. Son seul véritable adversaire était le Jagdtiger avec son formidable canon de 128mm. Cependant, le blindage frontal du Tortoise était capable d'encaisser les coups d'un tel calibre à distance raisonnable. Le contraire est vrai également. Il est probable qu'un affrontement face à face entre ces deux monstres aurait été aussi efficace que celui entre les antiques cuirassés Monitor et Merimack (Guerre de Sécession : les boulets ricochaient sur les cuirasses). Seule une attaque sur les flancs offrait des chances de réussites bien que minces. Malheureusement le Tortoise qui portait bien son nom, payait sa formidable protection au prix fort. Bien que mécaniquement fiable, ses dimensions et son poids trop importants rendait son transport vers les champs de bataille très problématique. Son poids énorme couplé à un moteur trop peu puissant ne lui offrait qu'une mobilité toute relative. À titre de comparaison, le Jagdtiger pouvait tout de même atteindre les 35 km/h, alors que le Tortoise atteignait tout juste 20 km/h. Ne parlons même pas de la consommation de carburant astronomique. On le voit, le Tortoise n'était pas un char de combat conventionnel avec son champ de tir limité et non plus un vrai canon d'assaut car trop limité dans sa mobilité. En fait, comme la plupart des géants de ce type, le Tortoise aurait été avant tout une arme défensive et d'embuscade, inutile dans le contexte de la fin de la guerre.
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Design
Le Tortoise était divisé en 3 compartiments : le compartiment avant avec la transmission Meritt-Brown, le compartiment arrière accueillant le moteur Meteor, les réservoirs et les radiateurs et le compartiment de combat au centre. Le canon de 94mm avait une rotation (assistée) limité (20° de chaque côté) et était monté sur un large affût sur rotule. Les obus étaient en 2 parties. Pour cette raison, le Tortoise disposait de 2 chargeurs pour assurer un bon approvisionnement de l'arme. L'armement secondaire était constitué de 2 mitrailleuses Besa de 7,92mm montées ensemble sur une petite tourelle sur le toit du compartiment de combat + une troisième montée à la gauche du canon. Le Tortoise embarquait 60 obus (en 2 parties) de 94mm : des APCBC mais également HE. Les plus lourds pesaient 14 kg.
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Avant de caisse et mantelet du Tortoise. -
La suspension comportait de chaque côté 4 bogies dotés chacun de 2 paires de galets, chaque paire étant reliées à une barre de torsion transversale. Chaque galet était indépendant de son partenaire. Cette suspension procurait au char une excellente et confortable conduite. Cependant, elle était très compliquée et comportait pas moins de 200 points de graissage ! La maintenance n'était donc pas aisée. Chaque bogie disposait également de 2 paires de rouleaux porteurs.
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Bogie de Tortoise. -
Train de roulement. -
Arrière de caisse et pont arrière du Tortoise. -
Le Tortoise pesait presque 80 t mais n'était équipé que d'un moteur Meteor de 600 ch ce qui lui procurait, une puissance massique assez faible. Le Tortoise atteignait péniblement les 20 km/h sur terrain dur. Pour compenser la formidable pression au sol, le Tortoise était équipé de chenilles de 91,4 cm de large. Il est clair que ce monstre était sous-motorisé. Le blindage était impressionnant et le principal responsable du poids du char et de ses dimensions. Pour la superstructure, il atteignait 279mm à l'avant et 152mm sur les autres parois ! Pour fournir un espace intérieur suffisant avec un blindage d'une telle épaisseur, la largeur du Tortoise était importante (trop ?!).
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Toit de la superstructure. -
Prototype n°5 « Aventurier », Allemagne, 1948.
A39 Tortoise