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Genèse & Production
Les Russes déjà, dans la période d'avant-guerre, avaient essayer de monter des canons lourds de 85mm sur des chars. Plusieurs nouveaux modèles de canons furent essayer sur les T-28 et KV mais le développement fut stoppé par le début de la Grande Guerre Patriotique. Début décembre 1941, les ingénieurs de Uralmash voulurent réarmer le KV avec le canon U-12 de 85mm nouvellement développé. Cependant, le canon était trop cher et l'idée fut abandonnée. Au printemps 1942, 3 équipes de développement proposèrent de nouveaux projets avec le canon de 85mm. Ces propositions furent rejetées toujours pour une question de prix. Cependant en 1943, les Tiger et les tout nouveaux Panther allemands avaient la supériorité sur les champs de bataille. De plus, le canon de 76mm était peu efficace contre les fortifications ennemies. L'idée du canon de 85mm refit son apparition.
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Les projets déjà proposés en 1941-1942 furent donc réexaminés. Le projet de l'usine n°8 qui était le plus prometteur fut rejeté une nouvelle fois, car il nécessitait l'emploi d'un frein de bouche. Idée rejetée par les Russes à cette époque. Durant l'hiver 43, le TsAKB compléta les plans d'un char et d'un canon automoteur armés du nouveau canon S-18 de 85mm et ce fut l'usine n°9 qui fut chargée de réaliser les prototypes. Les prototypes présentèrent quelques modifications par rapport aux designs initiaux. Le S-18 lors des tests révéla être déficient et ne fut par la suite jamais monté sur un char. En parallèle, le TsAKB développa un autre canon de 85mm pour les KV et IS, le S-31. Deux variantes de ce canon furent développées, l'une utilisant des obus AA (vélocité initiale : 790-800 m/s), l'autre utilisant des AP améliorées (vélocité initiale : 880-900 m/s). Les deux modèles étaient plus simples et moins chers à la production que le S-18. Cependant, les nouvelles AP améliorées, nécessitaient la mise au point d'une nouvelle charge de propulsion dans les douilles. Ce ne fut pas fait et seuls les obus AA Mod. 1939 furent retenus. En mai 1943, l'usine n°9 retravailla sur l'U-12 et proposa son propre canon de 85mm, le D-5T semi-automatique. Ce canon solide et au recul court était idéal pour être monté sur n'importe quel char de l'époque.
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Canon S-31 de 85mm. -
Deux KV-1S et 2 IS-1 furent testés avec le D-5T et le S-31 de 85mm. Le premier canon y démontra sa supériorité et fut accepté pour armer les nouveaux chars lourds russes. En attendant que la production de l’IS-1 soit possible (plusieurs mois seront encore nécessaires). J.Y. Kotin proposa comme solution transitoire de produire dorénavant avec quelques modernisations, le KV-1S avec le canon de 85mm. L'installation de la nouvelle tourelle nécessita l'élargissement de la circulaire de tourelle et de modifier les râteliers à munitions. Pour accueillir assez de munitions, le radio-mitrailleur fut supprimé. La mitrailleuse de caisse fut temporairement montée sur un système à rotule.
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Canon D-5T de 85mm. -
Les KV-85 furent produits avec les caisses de KV-1S excédentaires. Un total (selon les archives russes) de 148 KV-85 fut produit entre septembre et novembre 1943 à la ChKZ. La production du KV-85 était effectuée en parallèle de celle du KV-1S qui continua jusqu'en décembre 1943. Si au début seule l'usine n°9 produisait le canon D-5T de 85mm, elle fut bien vite incapable d'assumer la production de ce canon pour les IS-1, le KV-85 et le T-34-85 réunis. Les usines n°8 et n°13 furent donc appelées à la rescousse. Cependant en raison de problèmes de production du D-5T et la concurrence de l'IS-1 et du T-34-85, la production de masse du KV-85 ne débuta jamais. De plus au printemps 1944, l'IS-2 et son canon de 122mm fit son apparition et la production du KV-85 et également celle de l'IS-1 fut définitivement abandonnée à son profit.
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Front de l'Est, 1943. -
Design
Le canon D-5T L/51,6 de 85mm fut monté dans une nouvelle tourelle moulée, élargie, dotée d'une coupole de commandant (6 épiscopes fixes et 1 épiscope rotatif), une trappe circulaire pour le chargeur et une mitrailleuse montée sur rotule à l'arrière. Le D-5T pesait 1,53 t et possédait un recul maximum de 32 cm. Ce canon était également doté comme le F-34 de 76,2mm d'un bloc de culasse semi-automatique. Le mécanisme de recul était composé d'un frein hydraulique de recul et d'un récupérateur hydropneumatique situés au-dessus du tube (le récupérateur du côté droit, le frein de recul du côté gauche). Pour le tir direct, le télescope TSh-15 et le périscope PTK-5 étaient utilisés. Le KV-85 transportait 71 obus de 85mm et 3 276 coups de 7,62mm pour ses 3 mitrailleuses DT (caisse, coaxiale, arrière de la tourelle). Un épiscope rotatif était présent sur le côté droit du toit et un périscope panoramique était présent sur le côté gauche du toit. Le toit de la tourelle accueillait encore le couvercle blindé du ventilateur de la tourelle.
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Tourelle. -
Sur la caisse, le seul grand changement fut le remplacement de la mitrailleuse flexible sur la plaque frontale de la superstructure par une mitrailleuse fixe. Sinon, le KV-85 avait les mêmes caractéristiques que le KV-1S. Il était propulsé par un moteur V12 diesel V-2K-S développant 600 ch à 1 900 t/min et embarquait 550 L de diesel. Il pouvait atteindre les 32 km/h sur route et les 12 km/h en tout terrain et parcourir 251 km sur route et 150 km en tout terrain sur son propre carburant. Le KV-85 qui pesait 46 t, était équipé d'un poste radio 9R ou 10R qui n'était plus manipulé par le radio-mitrailleur puisque celui-ci avait été supprimé pour faire plus de place aux obus de 85mm.
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Avant de caisse. -
Arrière de caisse. -
La suspension comprenait toujours 6 double-galets indépendants montés sur barres de torsion, 3 double-rouleaux porteurs, 1 double-poulie de tension avant et 1 double-barbotin arrière. Les chenilles avaient une largeur de 67 cm qui lui procuraient une pression au sol de 0,79 kg/cm².
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Pont arrière. -
Train de roulement. -
Au niveau du blindage, seule la tourelle présentait des chiffres différents par rapport au KV-1S. En effet, elle était particulièrement bien protégée avec un blindage vertical de 100mm d'épaisseur et pour le toit de 40mm d'épaisseur. Le mantelet arrondi avait, quant à lui, un blindage de 95mm d'épaisseur.
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Conversions
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KV-122 (1944)
Pour améliorer la puissance de feu des KV, il fut suggéré de monter le canon S-34 de 100mm à la place du D-5T de 85mm du KV-85. Ce nouveau modèle fut baptisé KV-100. Après plusieurs tests, la tourelle fut remplacée par celle de l'IS-2 et son canon D-25 de 122mm (toujours sur la caisse du KV-85). Cette conversion (KV-122) fut cependant rejetée car l'IS-2 était déjà produit en masse.
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KV-152 (1943)
En 1943, on tenta d'améliorer le design du KV-2 qui était très utile pour détruire les fortifications ennemies. Le problème majeur était de monter l'obusier de 152mm dans la tourelle standard du KV-1S. Le TsAKB et l'OKB n°9 furent engagés dans une compétition. Les deux compétiteurs jugèrent nécessaire d'utiliser un frein de bouche sur l'obusier de 152mm. L'OKB n°9 utilisa le D-1 de 152mm dont les mécanismes de recul furent pris sur le D-5T de 85mm. Le TsAKB quant à lui préserve les designs du ZiS-5 et du S-31 mais renforcés. Un prototype armé du S-41 de 152mm fut présenté au maréchal Voroshilov en août 1943. Cependant, tous les travaux furent stoppés en octobre 1943 par le NKV au profit du canon automoteurs SU-152.
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En Action
Les KV-85 entrèrent en service dans les régiments de chars lourds à partir de septembre 1943. À peu près au même moment (avec un certain délai nécessaire à la formation de nouvelles unités et à leur envoi au front), ils entrèrent dans la bataille, principalement dans les directions sud. Étant donné que le KV-85 était quelque peu inférieur dans ses caractéristiques aux chars lourds allemands et que leur protection blindée n'était plus suffisante, les batailles impliquant le KV-85 se poursuivirent avec un succès variable, et le résultat fut dans une certaine mesure déterminée par la formation des équipages. L'objectif principal du KV-85 était de percer les lignes défensives ennemies pré-fortifiées, où le principal danger n'était pas tant les chars ennemis que ses canons AT remorqués et automoteurs, ses barrières anti-mines et d'ingénierie. Malgré un blindage insuffisant, le KV-85 remplit pratiquement sa tâche, mais au prix de pertes importantes. Le faible volume de production et l'utilisation intensive du KV-85 conduisirent au fait qu'à l'automne 1944, en raison de pertes de combat irrémédiables et de radiations dans les unités de combat de ce type de chars, il n'y avait plus de chars de ce type après cette période. Plusieurs KV-85 détruits furent laissés sur le territoire ennemi et capturés par les Allemands. On sait de manière fiable que l'un des véhicules capturés fut testé sur le site d'essai de Kummersdorf.
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Soldats allemands passant à côté d’un KV-85 abandonné, Ukraine, hiver 1943-1944. -
Il existe plusieurs références de confrontations du KV-85 avec des chars ennemis. Par exemple, du 20 au 23 novembre, le 34ème Régiment de Chars Lourds de la 28ème Armée du 4ème front ukrainien, composé de 20 KV-85, avec le soutien du 40ème Régiment de Canons Automoteurs (9 SU-152), attaqua des positions allemandes près du village de Ekaterinovka. Le 34ème Régiment de Chars Lourds perdit 8 KV-85 au cours de ces batailles (la nature des pertes est inconnue), détruisant 5 Pz.Kpfw. IV, sans compter les canons remorqués et l'infanterie ennemis. Cependant, entre les mains de tankistes expérimentés et tactiquement compétents, le KV-85 était une arme redoutable capable de résister avec plus de succès aux nouveaux véhicules blindés allemands. Un extrait du « Rapport sur les opérations de combat des troupes blindées et mécanisées de la 38ème Armée du 24 janvier au 31 janvier 1944 » pour le 7ème Régiment de Chars Lourds de la Garde Séparée témoigne : « Selon l'ordre de combat du QG du 17ème Corps, les 5 chars restants et les installations d'artillerie automotrices (3 KV-85 et 2 SU-122) à 7h le 28/01/44 prenaient les défenses. Telman prêt à repousser les attaques de chars ennemis en direction de Rososhe, de la ferme d'État de Kommunar et de la ferme d'État bolchevique. 50 fantassins et 2 canons AT prennent la défense près des chars. L'ennemi avait une concentration de chars au sud de Rososhe. À 11h30, l'ennemi, avec une force allant jusqu'à 15 T-VI (Tiger) et 13 chars moyens et petits en direction de Rososhe et de l'infanterie du sud, lança une attaque contre la ferme d'État Telman. Occupant des positions avantageuses, en raison des abris des bâtiments et des meules de foin, ayant laissé les chars ennemis à distance d'un tir direct, nos chars et canons automoteurs ouvrirent le feu et bouleversa les formations de combat ennemies, détruisant 6 chars (dont 3 Tiger) et jusqu'à un peloton d'infanterie. Pour éliminer l'infanterie allemande qui avait percé, le KV-85 du Sous-Lieutenant Kuleshov, qui termina sa tâche. À 13h le même jour, les troupes allemandes, n'osant pas attaquer le régiment soviétique de front, contourna la ferme d'État Telman et acheva l'encerclement du groupe soviétique. La bataille de nos chars encerclés contre des forces ennemies supérieures se caractérisa par l'habileté et l'héroïsme extraordinaires de nos chars. Le groupe de chars (3 KV-85 et 2 SU-122) sous le commandement du commandant de la compagnie de garde, le Sous-Lieutenant Podust, défendant la ferme d'État Telman, empêcha en même temps les troupes allemandes de transférer des troupes vers d'autres zones de combat. Les chars changeaient souvent de position de tir et tiraient avec précision sur les chars allemands, et le SU-122, en position ouverte, tirait sur l'infanterie montée sur les transporteurs et se déplaçant le long de la route d'Ilintsy, ce qui bloquait la liberté de manœuvre des Allemands, soit les chars et l’infanterie, et, plus important encore, contribua à la sortie de l'encerclement des unités du 17ème Corps. Jusqu'à 19h30, les chars continuèrent à se battre dans l'encerclement, bien que l'infanterie ne soit plus dans la ferme d'État. La manœuvre et le tir intense, ainsi que l'utilisation d'abris pour le tir, permirent de ne subir quasiment aucune perte (à l'exception de 2 blessés), infligeant des dégâts importants à l'ennemi en effectifs et en matériel. Le 28 janvier 1944, 5 Tiger, 5 T-IV, 2 T-III, 7 véhicules blindés de transport de troupes, et 6 canons AT furent détruits. À 20h, le groupe de chars fit une percée de l'encerclement et à 22h, après un échange de tirs, se rendit à l'emplacement des troupes soviétiques, perdant 1 SU-122 (il brûla). » Le 9 mai 1944, le 1452ème Régiment d'Artillerie Lourde Automoteur Séparé fit irruption dans Sébastopol, ayant 1 KV-85 et 1 SU-152 du matériel restant. 5 KV-85, selon les données polonaises, furent transférés en 1945 à l'Armée Populaire de Pologne, qui les utilisa dans les premières années d'après-guerre comme entraînement.
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KV-85 capturé par la Wehrmacht, décembre 1943.
KV-85