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Genèse
Les Allemands rencontrèrent beaucoup de succès avec leurs canons d'assaut StuG III très efficaces et peu coûteux. Les Russes qui manquaient de ce genre de véhicule dotés d'un compartiment de combat plus spacieux, d'un blindage frontal plus épais et d'un armement plus puissant qu'un char classique. En avril 1942, le GAU invita plusieurs bureaux de conception à développer un canon d'assaut armé d'un canon de 122mm ou plus. Tous ces travaux furent coordonnés par le Ministère de l'Industrie des Blindés (NKTP). Deux de ces projets furent réalisés en métal.
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SU-122 sur les terrains d’essais de UZTM, juillet 1943. -
Le premier modèle, était le U-35 de Uralmash et le second, le SG-122(A) de l'usine n°592. Le U-35 était un T-34 doté d'une large superstructure blindée installée à la place du compartiment de combat et de la tourelle. Cette superstructure accueillait l'obusier M-30 de 122mm. Le SG-122(A) était quant à lui un ex-StuG III allemand modifié et équipé du même armement que l'U-35. En juillet 1942, le SG-122 fut accepté pour le service, mais l'expérience aidant fut vite considéré comme un échec et le manque de pièces de rechange disponibles rendait sa maintenance aléatoire. En décembre 1942, après plusieurs tests, le U-35 fut accepté pour le service et le GKO ordonna immédiatement la production du nouveau canon d'assaut renommé SU-122. A la fin de 1942, 25 exemplaires avaient été produits. À partir de cette date 1 123 autres exemplaires furent fabriqués par Uralmash.
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SU-122 sur les terrains d’essais de UZTM, juillet 1943. -
Design
Le SU-122 avait un blindage frontal de 45mm. L'obusier M-30 de 122mm possédait une élévation de -3 à +26° et une rotation limitée à 10° de chaque côté. Si au début le SU-122 utilisait exclusivement des HE, à partir de mai 1943, il fut également doté de HEAT BP-460A qui améliorèrent sensiblement ses capacités AT sur de plus longues distances. Aucun armement secondaire n'était disponible sauf les armes légères de l'équipage. L'accès au poste de combat se faisait via une seule ouverture présente sur le toit de la superstructure.
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Superstructure du SU-122. -
L'équipage était composé de 5 hommes : le pilote (à gauche), le tireur (à gauche derrière le pilote), le commandant (à droite) et 2 chargeurs (derrière la culasse). Le SU-122 étant basé sur le T-34, il conservait beaucoup d'équipements et de mécanismes de ce dernier comme le châssis, la suspension, le groupe transmission-moteur, ... afin d'accroître les capacités de production et diminuer les coûts. Il disposait également d'à peu près les mêmes performances niveau mobilité.
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SU-122 régimentaire de première production en décembre 1942, front de Leningrad, région de Smierdny. À ce moment-là, ceux-ci étaient combinés en petites escouades de 4 unités avec 4 SU-76. Deux d'entre eux formaient un bataillon. Remarquez la peinture blanche lavable et les galets avant définitives. -
Unité inconnue, Armée Rouge, Front Wolchov, URSS, hiver 1942-43. -
Rare StuG 122(r). Au début de l'année 1943, la Wehrmacht était encore en mesure de lancer des contre-offensives localisées sur un front plutôt dynamique, mais surtout défensif, l'initiative étant définitivement entre les mains des Russes. Au cours de ces événements, les chars allemands et russes furent détruits et capturés par leurs adversaires respectifs. Il y a peu d'enregistrements de SU-122 capturés, et encore moins de preuves photographiques, mais ils étaient probablement camouflés et marqués d'une large croix balkanique, et souvent de drapeaux à croix gammée sur le dessus.
SU-122
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Unité inconnue, Armée Rouge, Koursk, URSS, juillet 1943. -
Conversions
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SU-122M (1943)
En mars 1943, Uralmash proposa de moderniser le SU-122. La nouvelle version nommée SU-122M était dotée d'un nouveau compartiment de combat et d'un nouvel obusier U-11 de 122mm. Le U-11 utilisait les mêmes munitions que le M-30. Un des 2 chargeurs fut supprimés en raison de l'amélioration du mécanisme de chargement. Les tests gouvernementaux sur le SU-122M révélèrent plusieurs défauts et la surcharge du châssis. Ce modèle était également très coûteux et ne fut donc pas accepté pour le service.
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SU-122-3 (1943)
Malgré l'échec du SU-122M, Uralmash effectua une autre tentative de moderniser le SU-122 basé sur un nouveau concept d'unification des éléments de base des chars russes. Le nouveau modèle avait beaucoup de similitudes avec le SU-85 mais cependant était armé du D-6 de 122mm à la place du D-5T de 85mm. Le D-6 était plus compact que le U-11 tout en ayant les même capacités balistiques et les mêmes munitions. Le SU-122-3 avait le même mantelet que le SU-85. Après plusieurs tests avec la version modernisée du SU-85, le SU-122-3 ne fut finalement pas retenu pour le service.
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En Action
En décembre 1942, les deux premiers régiments d'artillerie automoteurs (1433 et 1434èmes) furent formés selon le numéro d'état-major 08/158, et le 1er janvier 1943, ils reçurent le premier SU-122 en série. Selon l'ordre du Commissaire du Peuple à la Défense du 10 janvier, les régiments d'artillerie automoteurs devaient être transférés aux chars et aux corps mécanisés, mais dans le cadre du début de l'opération Iskra, les 2 premiers régiments d'artillerie automoteurs furent envoyés au front Volkhov, fin janvier, et être utilisé comme moyen de soutien de l'infanterie et des chars. Avec les artilleurs automoteurs, la commission NKTP dirigée par S.A. Ginzburg et un certain nombre de spécialistes d'usine se rendirent au front. Les premiers essais de combat eurent lieu du 3 au 12 février 1943, leur objectif principal était d'élaborer la tactique d'utilisation des canons automoteurs. Son option la plus réussie fut l'utilisation de canons automoteurs pour soutenir l'avancée des chars ou de l'infanterie avec des tirs à partir d'arrêts courts, étant derrière eux à une distance de 300 à 600 m. Au cours de la percée de la ligne de défense ennemie, les points de tir de l'ennemi furent supprimés de cette manière, et après cela, une contre-attaque contre ses contre-attaques de chars fut effectuée. Pendant les essais, les canons automoteurs tirèrent également à partir de positions fermées, mais en raison de la nature positionnelle des hostilités, une telle utilisation était très rare et l'appui-feu des canons divisionnaires remorqués disponibles était tout à fait suffisant. Après l'achèvement des 10 premiers jours de combats, les équipages formés de spécialistes d'usine furent remplacés par des militaires ordinaires. Tous les employés de l'UZTM et de l'entreprise dans son ensemble qui participèrent à l'opération furent remerciés par le commandement pour l'exécution exemplaire des tâches, et le pilote d'essai UZTM Boldyrev, qui avait combattu, reçut la médaille « Pour le mérite militaire ». À partir du 13 février 1943, les 1433 et 1434èmes régiments d'artillerie automoteurs avec des équipages de première ligne prirent part aux batailles près de Smerdyn en préparation de la levée du blocus de Leningrad. Au cours des combats, qui durèrent 5 à 6 jours, les régiments détruisirent 47 bunkers, 5 batteries de mortier ennemies, 14 canons antichars et de 19 à 28 véhicules, et incendié 4 dépôts de munitions. Ces succès suscitèrent de nombreux retours positifs, mais il y eut également de nombreuses suggestions pour améliorer la conception du SU-122. Les principales exigences étaient d'améliorer la visibilité de l'équipage et les moyens d'interphone. Les revendications de fiabilité, en plus des problèmes communs à l'époque avec le groupe moteur-transmission et le train de roulement du T-34, tout en ajoutant des pannes du canon et de ses mécanismes de visée.
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SU-122 à Leningrad, 1943. L’Arc de triomphe de Narva en arrière-plan. -
En mars 1943, selon le numéro d'état 08/191, 2 autres régiments d'artillerie automoteurs furent formés, les 1435 et 1437èmes, qui participèrent aux batailles sur le front occidental. Un peu plus tard, le 1439ème Régiment d'Artillerie Automoteurs fut formé, envoyé sur le front de Leningrad. La préparation et la cohésion au combat des unités d'artillerie automotrices au début n'étaient pas élevées, par exemple, le commandant adjoint du 1434ème Régiment d'Artillerie Automoteurs lors d'une réunion le 18 mai parla des commandants de batterie qu'ils « contrôlent le véhicule comme s'il s'agissait d'un cheval de régiment, et non des canons sur une base chenillée ». Au printemps-été 1943, la formation du régiment d'artillerie automoteurs se poursuit, mais cela ne fut plus effectué par des artilleurs, mais par des tankistes. Et en conséquence, les tactiques qui avaient déjà été élaborées et qui avaient fait leurs preuves furent remplacées par l'exact opposé : au cours de la bataille, les canons automoteurs (SU-122 et SU-76) allèrent en première ligne, couvrant les chars. Les attaques étaient souvent pratiquées à l'aide de canons automoteurs comme chars sans tourelle au lieu du matériel normal précédemment perdu. Dans un certain nombre d'unités de chars, les connaissances tactiques des commandants étaient si faibles qu'en réponse, les artilleurs automoteurs qui signalèrent l'arrivée pour soutenir leurs unités se disaient : « Pour soutenir quoi ? ». En conséquence, les pertes de canons automoteurs inadaptés au combat en première ligne (avec un secteur de tir étroit de l'armement principal, sans mitrailleuses et avec un blindage et une visibilité insuffisante pour de telles tâches) étaient importantes. Au cours des préparatifs de la bataille de Koursk, le commandement comptait sur le SU-122 comme moyen efficace contre les nouveaux véhicules blindés lourds de l'ennemi, mais les véritables succès des canons automoteurs dans ce domaine s’avérèrent modestes, et les pertes étaient importantes. Mais il y eut aussi des réussites, et ceux même sans l'utilisation de HEAT : « Hauptmann von Villerbois, commandant la 10ème Compagnie, fut grièvement blessé au cours de cette bataille. Son Tiger reçut un total de 8 coups de 122mm de canons d'assaut basés sur le T-34. Un obus perça le blindage latéral de la caisse. Six obus touchèrent la tourelle, dont 3 ne firent que de petites bosses dans le blindage, les deux autres fissurèrent le blindage et en ébréchèrent de petits morceaux. Le sixième obus brisa une énorme pièce de blindage (de la taille de 2 paumes), qui volèrent dans le compartiment de combat. Le circuit électrique de la gâchette électrique du canon était hors d'usage, les dispositifs d'observation étaient cassés ou renversés de leurs points d'attache. Le cordon de soudure de la tourelle se sépara et une fissure d'un demi-mètre se forma, qui ne put être soudée par les forces de l'équipe de réparation sur le terrain. »
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L'équipage d'un SU-122 pendant la Bataille de Koursk, juillet 1943. -
Au début de la bataille de Koursk, les SU-122 faisaient partie du régiment d'artillerie automoteurs de composition mixte selon l'état n°08/191. Il y avait peu de canons automoteurs de tous types ; au début de la bataille, le front de Voronej ne comptait que 5 régiments d'artillerie automoteurs, dont 3 (2 de SU-122/SU-76 et 1 de SU-152) étaient rattachés aux 6 et 7èmes armées, et 2 (1 de SU-122/SU-76 et 1 de Marder III capturés) faisaient partie des réserves de chasseurs antichars du front. La 1ère Armée de Chars n'avait pas les canons automoteurs qui lui étaient assignés. Les régiments automoteurs avec SU-122 prirent une part active aux batailles de Koursk dès le début : déjà le 5 juillet 1943, les batteries du 1440ème Régiment d'Artillerie Automoteurs engagèrent de violentes batailles avec les troupes allemandes dans la zone du village de Cherkasskoye, notamment avec des unités de la division motorisée d'élite « Gross Deutschland », renforcées par un régiment des derniers Panther. Pendant la bataille, le front de Voronej fut constamment reconstitué avec de nouvelles troupes, parmi lesquelles des régiments d'artillerie automoteurs de SU-122 : un dans le 10ème Corps de Chars et 2 dans la 5ème Armée de Chars de la Garde. Parmi ces derniers, le 1446ème Régiment d'Artillerie Automoteurs participa à une contre-attaque infructueuse près de Prokhorovka le 12 juillet 1943 ; les canons automoteurs du régiment, se déplaçant à l'avant-garde des troupes qui avançaient, subirent de lourdes pertes - sur 20 canons automoteurs participant à la bataille, 11 véhicules furent incendiés et 6 autres touchés. Avec le passage des troupes soviétiques à l'offensive, la tâche principale du SU-122 était de les soutenir. En règle générale, les SU-122 étaient utilisés comme canons d'assaut pour le tir direct, les cas de tir depuis des positions fermées étaient rares. Le plus souvent, le SU-122 était utilisé pour soutenir les unités de chars, pour attaquer avec elles et détruire les canons antichars et autres obstacles à l'offensive. Les SU-122 furent activement utilisés lors des batailles ultérieures de la seconde moitié de 1943 et des premiers mois de 1944. Comme leur nombre diminua en raison d'un nombre relativement faible dans les troupes, de l'arrêt de la production en série et de pertes de toutes sortes, ils furent retirés des régiments d'artillerie automoteurs, qui furent rééquipé du SU-85. Les SU-122 en état de marche ou réparés furent transférés dans diverses unités et divisions de l'Armée Rouge, où ils combattirent jusqu'à ce qu'ils soient détruits ou jusqu'à ce qu'ils soient radiés en raison de l'usure du moteur, des unités de transmission et du châssis. Par exemple, un extrait du « Rapport sur les opérations de combat des troupes blindées et mécanisées de la 38ème Armée du 24 janvier au 31 janvier 1944 » pour le 7ème Régiment de Chars Lourds de la Garde Séparée témoigne : « Selon l'ordre de combat du QG du 17ème Corps, les 5 chars et canons automoteurs restants (3 KV-85 et 2 SU-122) à 07h00 le 28 janvier 1944 prirent tous les assauts de défense à la ferme d'État Telman prêt à repousser les attaques de chars ennemis en direction de Rososhe, de la ferme d'État de Kommunar et de la ferme d'État bolchevique. 50 fantassins et 2 canons antichars prirent la défense près des chars. L'ennemi avait une concentration de chars au sud de Rososhe. À 11h30, l'ennemi, avec une force allant jusqu'à 15 T-VI et 13 chars moyens et petits en direction de Rososhe et de l'infanterie du sud, lança une attaque contre la ferme d'État Telman. Occupant des positions avantageuses, derrière les abris des bâtiments et des meules de foin, après avoir laissé les chars ennemis à distance d'un tir direct, nos chars et canons automoteurs ouvrirent le feu et bouleversa les formations de combat ennemies, assommant 6 chars (dont 3 Tiger) et détruisirent jusqu'à un peloton d'infanterie. Pour éliminer l'infanterie allemande qui avait percé, le KV-85 du Lieutenant Kuleshov, qui termina sa tâche avec le feu et les chenilles. À 13 heures le même jour, les troupes allemandes, n'osant pas attaquer le régiment soviétique au front, contournèrent la ferme d'État Telman et acheva l'encerclement du groupe soviétique.
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Équipage et leur SU-122 de l'unité des Gardes. -
La bataille de nos chars encerclés contre des forces ennemies supérieures se caractérisa par l'habileté et l'héroïsme extraordinaires de nos chars. Groupe de chars (3 KV-85 et 2 SU-122) sous le commandement du commandant de la compagnie du Lieutenant Podust, défendant la ferme d'État du nom de Telman, a en même temps empêché les troupes allemandes de transférer des troupes vers d'autres zones de combat. Les chars changeaient souvent de position de tir et tiraient avec précision sur les chars allemands, et le SU-122, se mettant en position ouverte, tirait sur l'infanterie montée sur les transporteurs et se déplaçant le long de la route d'Ilintsy, ce qui bloquait la liberté de manœuvre des des chars et de l'infanterie allemandes, et, plus important encore, contribua à la sortie de l'encerclement de certaines parties du 17ème Corps de Fusillés. Jusqu'à 19h30, les chars continuèrent à se battre dans l'encerclement, bien que l'infanterie ne soit plus dans la ferme d'État. La manœuvre et le tir intense, ainsi que l'utilisation d'abris pour le tir, permirent de ne subir quasiment aucune perte (à l'exception de 2 blessés), infligeant des dégâts importants à l'ennemi en effectifs et en matériel. Le 28 janvier 1944, 5 Tiger, 5 T-IV, 2 T-III, 7 véhicules blindés de transport de troupes, 6 canons antichars, 4 emplacements de mitrailleuses touchèrent et détruisirent, 28 charrettes à chevaux et dans l’infanterie jusqu'à 3 pelotons. À 20h00, le groupe de chars fit une percée de l'encerclement et à 22h00, après un échange de tirs, se rendit à l'emplacement des troupes soviétiques, perdant 1 SU-122 (il brûla). » En 1943, 350 SU-122 furent irrémédiablement perdus. Le 1er janvier 1944, il y en avait 286 autres dans l'Armée Rouge. Fin 1943-début 1944, les SU-122 étaient encore relativement actif sur les fronts de Kalinine et de Biélorussie, tandis qu'en Ukraine, les SU-122 existants étaient déjà détruits. Mais déjà en avril 1944, le SU-122 devint un véhicule rare dans la flotte blindée soviétique, et jusqu'à la fin de la guerre, des canons automoteurs uniques de ce type survécurent, qui participèrent néanmoins à la Bataille de Berlin. Par exemple, dans le cadre de la 4ème Armée de Chars de la Garde le 15 avril 1945, il y avait 2 SU-122, dans le cadre du 7ème Corps Mécanisées de la Garde. À la même date, 5 de ces canons automoteurs, dont 2 furent ensuite perdus par des Panzerfaust lors des combats de rue dans l'opération Bautzen. Un petit nombre de SU-122 furent également capturés par les troupes allemandes, qui leur attribuèrent la désignation de StuG SU-122(r) et les utilisèrent ensuite dans des batailles.