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Genèse
L'imposant Elefant, à l'origine Ferdinand (en hommage à son concepteur Ferdinand Porsche) fut l'une des réalisations les plus imposante de l'industrie de guerre allemande. Son appellation complète était Panzerjäger Tiger(P) Ferdinand mit 8,8 cm PaK 43/2 puis Jägdpanzer Tiger(P) Ferdinand mit 8,8 cm PaK 43/2 L/71 (Sd.Kfz.184). Quand le Tiger de Henschel fut choisi au détriment de celui de Porsche (VK 45.01 (P) ou Tiger(P)), le célèbre industriel allemand se retrouva avec 90 caisses de Tiger(P) déjà fabriqué. Un tel gâchis de matériel et d'heures de travail était inacceptable. Il fut donc décidé d'utiliser ces caisses comme base pour un nouveau chasseur de char lourd armé du canon de 88mm PaK 43.
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Les 90 caisses déjà construites de Tiger (P) ont servi de base au Ferdinand/Elefant. -
Design
Le Ferdinand/Elefant ne conserva du Tiger(P) que le bas de caisse, la suspension et la plaque frontale de la caisse inférieure. En effet, c'était pratiquement un nouveau véhicule. La traction pétroléoélectrique du Tiger(P) fut conservée mais modifiée en partie. Les anciens moteurs à refroidissement par air "Porsche" furent remplacés par 2 Maybach HL120 de 300 ch à refroidissement liquide. Ceux-ci furent placés au milieu pour permettre l'installation d'un vaste compartiment de combat à l'arrière. L'entraînement des chenilles se faisait au moyen de barbotins arrière. Le pilote et le radio-mitrailleur était installé à l'avant devant les moteurs. Le pilote avait à sa disposition une direction hydropneumatique. Les réservoirs étaient disposés de chaque côtés du compartiment-moteur. Le poste de tir à l'arrière était protégé par une imposante superstructure aux parois inclinées et accueillait le commandant, le tireur ainsi que 2 chargeurs.
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Le PaK 43/2 L/71 de 88mm (version AT du Flak 36) procurait au Ferdinand/Elefant une formidable puissance de feu. Les premiers exemplaires ne disposaient que de cette seule arme. Par la suite, une MG34 de 7,92mm de caisse sera réinstallée pour assurer une défense rapprochée. Sur le premier modèle, la visibilité était insuffisante et une coupole de commandant à épiscopes fut installée sur le modèle tardif. Le blindage fut largement renforcé par des plaques boulonnées de 100mm et atteignait les 200mm sur le nez de l'engin !
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Groupe motopropulseur. -
On trouvait à l'arrière de la superstructure une large écoutille pour l'entretien des armes et de plus petites pour l'évacuation des douilles. La superstructure comportait également des meurtrières et 2 panneaux d'accès sur le toit. Le premier prototype fut fin prêt en mars 1943 et dès juillet de la même année il fut utilisé au combat ! En effet, les 90 exemplaires versés dans les 653 et 654ème Bataillon de Panzerjäger furent utilisés lors de l'opération Citadelle sur le saillant de Koursk durant la plus grande bataille de chars de l'histoire sans être totalement mis au point ! Ce fut bien entendu un désastre. Peu fiables, nombre d'entre eux tombèrent en panne, s'enfoncèrent sous leur poids, furent submergés par les Soviétiques et capturés. Les survivants furent envoyés en Italie où ils remplirent des missions limitées, surtout défensives. Pour améliorer encore la défense rapprochée sur certains exemplaires, des plateformes furent installées pour accueillir 5 Panzergrenadiers pour lutter contre les fantassins russes mais cette réalisation ne connut pas un grand succès. La conversion des châssis de Tiger(P) fut au début confié à Nibelungenwerke puis plus tard à Alkett.
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Fahrgestell Nr. 150100 Véhicule de production finale, Nibelungwerk, St. Valentin, Autriche, 1943. Le dernier Ferdinand produit, décoré par les ouvriers pour l’occasion. -
656ème Régiment de Panzerjäger, 654ème Bataillon de Panzerjäger Lourds, Compagnie de l’État-Major, Secteur Nord, Koursk, 15-16 juillet 1943. -
Ex-Groupe de Combat « Ritter », Karl-August-Platz, Berlin, avril 1945. -
En Action
Les Ferdinand firent leurs débuts en juillet 1943 près de Koursk, après quoi ils participèrent activement aux batailles sur le front oriental et en Italie jusqu'à la fin de la guerre. La dernière bataille de ces canons automoteurs eut lieu dans la banlieue de Berlin au printemps 1945.
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Hitler, Speer et bien d'autres gros bonnets du IIIème Reich visitant le hall de montage du Ferdinand à Ni-Werk. -
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Bataille de Koursk (1943)
En juillet 1943, 89 Ferdinand faisaient partie des 653 et 654ème bataillons antichars lourds, et ces derniers ne reçurent que 44 véhicules. La 45ème Unité n'arriva pas en raison d'une panne de la plate-forme de transport. Selon le plan de l'opération Citadelle, tous les canons automoteurs de ce type devaient être utilisés pour des attaques contre les troupes soviétiques défendant la face nord des Ardennes de Koursk. Les canons automoteurs lourds, invulnérables au tir des armes antichars standard, se virent confier le rôle de bélier blindé, censé pénétrer la défense soviétique bien préparée.
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Ferdinand détruit par un Pe-2, Koursk, juillet 1943. -
Les premières mentions de participation aux batailles de nouveaux canons automoteurs allemands remontent au 8 juillet 1943. L'utilisation massive des Ferdinand par les Allemands débuta le 9 juillet dans le secteur de la gare de Ponyri. Pour l'assaut de la puissante défense soviétique dans cette direction, le commandement allemand créa un groupe d'attaque composé du 654ème Bataillon (Ferdinand), du 505ème Bataillon (Tiger), du 216ème Bataillon (Brummbär) et de quelques autres unités de chars et canons automoteurs. Le 9 juillet, le groupe perça, mais subit des pertes dans les champs de mines et des tirs d'artillerie. Le 10 juillet fut le jour des attaques les plus violentes près de Ponyri, les canons automoteurs allemands réussirent à atteindre les abords de la station. Des tirs d'artillerie massifs de tous calibres, y compris des obusiers B-4 de 203mm, furent menés sur les véhicules blindés allemands, à la suite desquels de nombreux canons automoteurs, essayant de manœuvrer, allèrent au-delà des passages dégagés et ont explosé par des mines et les mines terrestres. Le 11 juillet, le groupe de frappe est fortement fragilisé par le redéploiement du 505ème Bataillon et d'autres unités, l'intensité des attaques des Ferdinand diminua considérablement. Les Allemands abandonnèrent les tentatives de percer la défense soviétique, les 12 et 13 juillet, s’engagèrent dans des tentatives d'évacuation des véhicules blindés endommagés. Mais les Allemands ne réussirent pas à évacuer les Ferdinand détruits, en raison de leur masse importante et du manque de moyens de réparation et d'évacuation suffisamment puissants. Le 14 juillet, incapables de résister à l'attaque des troupes soviétiques, les Allemands battirent en retraite en perdant 21 Ferdinand, faisant sauter une partie du matériel. Une autre unité de canons automoteurs (653ème Bataillon) opéra dans le secteur du village de Tyoploe du 9 au 12 juillet. Les combats y étaient moins intenses, les pertes des troupes allemandes s'élevaient à 8 Ferdinand. Plus tard, lors de la retraite des troupes allemandes en juillet-août 1943, des batailles de petits groupes de Ferdinand avec les troupes soviétiques eurent lieu périodiquement. Le dernier d'entre eux s'est produit à la périphérie d'Orel, où les troupes soviétiques obtinrent comme trophées plusieurs Ferdinand endommagés préparés pour l'évacuation. À la mi-août, les Allemands transférèrent les canons automoteurs prêts au combat restant dans les régions de Jitomir et de Dnepropetrovsk, où certains d'entre eux étaient en cours de maintenance - remplacement des canons, dispositifs de visée, réparation cosmétique des plaques de blindage. Au 1er septembre 1943, il ne restait plus que 50 véhicules dans les bataillons et 39 étaient irrémédiablement perdues (13 pour le 653ème et 26 pour le 654ème). Sur les 4 véhicules recensés laissés par les troupes allemandes près du village de Teploye, 2 virent leur chenille endommagé, 1 fut neutralisé par des canons de 152mm (la plaque de caisse frontale fut déplacée, mais le blindage ne fut pas percé), et un se coinça dans une zone sablonneuse (l'équipage fut fait prisonnier). En raison de lourdes pertes, le 654ème Bataillon remit les canons automoteurs restants au 653ème et partit pour une réorganisation en Allemagne. Les Ferdinand restants prirent part à de féroces batailles à la tête de pont de Nikopol. Dans le même temps, 4 autres canons automoteurs furent perdus et le score des Ferdinand atteignit le 5 novembre, selon les données allemandes, 582 chars soviétiques, 133 canons, 3 canons automoteurs, 3 avions et 103 canons AT, et les équipages de 2 Ferdinand détruisirent à eux seuls 54 chars soviétiques.
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Photo prise à travers le viseur d’un Ferdinand. À cette distance, le T-34 n’a aucune chance. Feuer ! -
Italie (1943-1945)
En janvier 1944, la 1ère Compagnie du 653ème Bataillon, composée de 11 Ferdinand, d'un véhicule de réparation et de dépannage également basé sur le châssis du Tiger(P) et de 2 transporteurs de munitions fut transférée en Italie pour contrer l'offensive anglo-saxonne et américaines. Les canons automoteurs lourds prirent part aux batailles de Nettuno, Anzio, Rome. Malgré la domination de l'aviation alliée et le terrain difficile, la compagnie s'imposa du meilleur côté. Ainsi, selon les données allemandes, les 30 et 31 mars seulement, à la périphérie de Rome, 2 Ferdinand combattirent 50 chars américains pendant 10 heures, en n’en détruisant plus de 30 et sans subir de pertes. Le 26 juin 1944, deux Ferdinand prêts au combat restèrent dans la compagnie et 1 fut en réparation. Les restes de la compagnie continuèrent à se battre à San Casino et à Florence en juillet. Ce n'est que le 8 août que les 3 Ferdinand et un Bergetiger(P) survivants furent chargés sur des plates-formes et envoyés à Vienne, puis en Pologne pour rejoindre le 653ème Bataillon.
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Des fantassins allemands passent devant un Ferdinand endommagé sur le front Nettuno-Anzio. Le soldat au centre porte une MG42 et une pelle dans sa ceinture, mars 1944. -
Fin du Front de l’Est (1944-1945)
Les deux compagnies restantes en avril 1944 furent transférées sur le front oriental, dans la région de Ternopil. En plus de 31 Ferdinand, la compagnie disposait de 2 véhicules de réparation et de récupération basés sur le châssis du Tiger(P) et un basé sur le Panther, ainsi que 3 transporteurs de munitions. Lors de violentes batailles fin avril, les compagnies subirent des pertes - 14 véhicules furent mis hors service ; cependant, 11 d'entre eux furent rapidement restaurés. De plus, en juin, la compagnie s'était reconstituée avec 2 pièces uniques de véhicules blindés - un Tiger(P) avec un blindage frontal renforcé à 200mm et un Panther avec une tourelle de Pz.Kpfw. IV, qui furent utilisés comme véhicules de commandement. Au 1er juillet 1944, le 653ème Bataillon était armé de 34 Ferdinand, 2 Bergetiger(P), un Befehlstiger(P) et un Bergepanther avec une tourelle de Pz. IV, 3 transporteurs de munitions sur châssis de Pz. III et 2 basé sur le T-34, 2 véhicules blindés de transport de troupes Sd.Kfz.250 et un Sd.Kfz.251/8 et 3 SPAAG de 4 canons de 2 cm (2 Sd.Kfz.7/1, 1 basé sur le T-34). En juillet, une offensive soviétique à grande échelle commença et les 2 compagnies furent entraînées dans de violents combats. Le 18 juillet, ils furent lancés sans reconnaissance ni entraînement pour aider la division SS « Hohenstaufen » et subirent de lourdes pertes sous les tirs d'artillerie et automotrice soviétique. Le bataillon perdit plus de la moitié des véhicules, et une partie importante d'entre eux fit l'objet d'une restauration, cependant, comme le champ de bataille resta sous contrôle soviétiques, les canons automoteurs endommagés furent sabordés par leurs équipages. Le 1er août, 60 % du matériel du bataillon était perdu. De l'équipement militaire, seuls 12 canons automoteurs restèrent en service. Le 3 août, les restes du bataillon furent transférés à Cracovie. Les installations furent réduites à la 2ème Compagnie et, après la remise en état et la réception de 2 véhicules revenant d'Italie, le 19 septembre elles furent rattachées à la 17ème Armée.
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Campagne d’Allemagne (1945)
Le 653ème Bataillon, qui subit de lourdes pertes de la part des troupes soviétiques, commença à recevoir de nouveaux canons automoteurs Jagdtiger en octobre 1944, et la 2ème compagnie (Ferdinand) fut renommée en 614ème Compagnie de Panzerjäger lourds distincts le 15 décembre. Fin décembre, la compagnie fut transférée à la 4ème Armée de Panzer. Le 12 janvier, la compagnie entre dans la bataille près de Kielce contre les troupes du 1er front ukrainien. Ici, ils rencontrèrent des IS-2. Au 30 janvier, la compagnie comptait 4 Ferdinand. Le 25 février 1945, la compagnie fut transférée à Wünsdorf pour renforcer la défense antichar des unités allemandes. Les dernières batailles du Ferdinand eurent lieu à Wünsdorf, Zossen (2 véhicules furent perdus) et Berlin (2 autres aussi). De plus, le 31 mars 1945, un véhicule fut répertorié dans la compagnie de panzer de Kummersdorf.
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Utilisation Soviétique (1943-1945)
En Union soviétique à différents moments, il y avait au moins 8 Ferdinand capturés. Ils furent minutieusement examinés et soumis à des tirs expérimentaux à partir de tous les échantillons d'armes d'artillerie et AT pour déterminer les moyens efficaces de les combattre. Un véhicule fut détruit près de Ponyri en juillet-août 1943 alors qu'il testait son blindage ; un autre le fut à l'automne 1944 alors qu'il testait de nouveaux types d'armes. À la fin de 1945, il y avait 6 Ferdinand à la disposition de diverses organisations. Ils furent utilisés pour divers tests, certaines des machines furent finalement démontées afin d'étudier la conception. En conséquence, tous, sauf un, furent mis à la ferraille étant très endommagé.
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Des officiers supérieurs Soviétiques dont le Général d'Armée Konstantin Rokossovski (à bord du blindé) examinent ce Ferdinand, capturé lors de l'offensive allemande dans le nord du saillant de Koursk. Le bouclier du canon de 88mm fut perdu ou démonté. Des impacts d'obus qui n'ont pas percé sont visibles sur le glacis de l'engin.
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Jägdpanzer Tiger(P) Ferdinand/Elefant