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Genèse
Comme ils en avait l'habitude, les Allemands étudièrent la possibilité de convertir le Tiger II en chasseur de chars à champ de tir horizontal limité. Cette conversion fut initialement désignée Panzerjäger VI Ausf. B (Sd.Kfz.186) puis Jägdpanzer VI Ausf. B et devait à l'origine être doté du puissant 128mm PaK 80 sur superstructure blindée montée au centre de la caisse du Tiger II. Une maquette non blindée grandeur nature fut finalisée en octobre 1942 en même temps que le prototype du Tiger II ! Le premier prototype fut prêt en avril 1944.
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Prototype de Porsche. -
Jägdpanzer VI Ausf. B Jagdtiger. -
Design
Henschel et Krupp travaillèrent ensemble sur l'affût du canon muni d'un mantelet Saukopf (groin de cochon). Le canon de 128 utilisait des obus en 2 parties (40 coups au total). Le très long 128mm PaK 80 fut délaissé finalement au profit du plus court 128mm PaK 44 L/55. Le 128mm PaK 44 L/55 était supérieur à toute arme existante sur un char, tant du point de vue puissance et portée utile. Le blindage atteignait ici des proportions impressionnantes (250mm à l'avant). Les faces-à-faces étaient mortels à chaque coup pour ses adversaires ! Son armement secondaire était constitué d’une MG34 de caisse montée sur rotule comme sur le Tiger II et d'une autre MG34 AA pouvant être monté sur un piquet métallique (démontable) sur le plateau arrière. Deux larges portes sur charnières étaient montées à l'arrière de la superstructure. Cette dernière remplaçait simplement la tourelle au centre de la caisse préservant ainsi les plateaux avant et arrière du Tiger II.
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Suspensions Porsche et Henschel. -
Pour compenser le poids énorme (70 t), la suspension fut rallongée de 26 cm. Un total de 150 exemplaires fut commandé. La production fut confiée à Steyr-Daimler-Puch à St. Valentin (Autriche). Ce total ne fut jamais atteint et moins de la moitié (70) furent finalement réalisés, la plupart en 1944 (48). En raison d'une interruption dans la livraison des 128 certains durent se contenter du 88mm PaK 43/3 du Jägdpanther mais l'idée ne fut pas réalisée. En février 1944, Hitler ordonna de rebaptiser le nouveau chasseur de char tout simplement "Jagdtiger".
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Vue sur le compartiment moteur et le pont arrière d'un Jagdtiger au Musée de Chars de Bovington. -
Porsche tenta d'améliorer la suspension du Jagdtiger en le dotant d'une suspension par boggies à barres de torsion et 8 galets à recouvrement longitudinal (au lieu de 9 pour la suspension Henschel). Porsche y monta également le moteur diesel Porsche SLa 16 (Typ. 212) de 700 ch. Seulement 1-2 exemplaires furent équipés de cette suspension. Le moteur du Jagdtiger étant toujours le Maybach HL 230 P30 conçu pour le Panther (45 t !), il était sous-motorisé ne pouvant rouler (s'il ne voulait pas griller son moteur) qu'aux alentours des 17 km/h sur terrain dur.
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653ème Bataillon de Panzerjäger Lourds, Fallingbostel, Allemagne, septembre 1944. -
653ème Bataillon de Panzerjäger Lourds, Allemagne, mars 1945. -
3ème Compagnie, 653ème Bataillon de Panzerjäger Lourds, Morsbronn-les-Bains, 1945. -
L'installation de ce canon avec sa culasse plus large aurait entraîné l'allongement de la casemate sur le pont arrière, pour économiser suffisamment d'espace de travail. -
Un des rares Jagdtiger armé de 88mm PaK 43. Cela était dû à une pénurie de 128mm PaK 44. La MG34/42 est montée sur le support Fliegerdrehstüze 36 sur le pont arrière. -
2ème Compagnie, 512ème Bataillon de Panzerjäger Lourds près d'Iserlohn, avril 1945, Lieutenant Otto Carius. Le véhicule est équipé d'une Sternantenne (antenne étoile) placée à l'arrière de la casemate. -
Prototype avec son camion-citerne de produit inflammable, usines MIAG, Braunschweig, Allemagne, 1er avril 1945. Il s'agit d'un char canular créé à l'origine pour le compte d'un article spécial April Fool, publié dans le magazine français Trucks & Tanks Magazine (TNT) de mars-avril 2019, par M. Filipiuk. -
En Action
Seuls 2 bataillons de panzerjäger lourds, les 512 et 653ème, étaient équipés de Jagdtiger, les premiers véhicules atteignant les unités en septembre 1944. Environ 20% furent perdus au combat, la plupart détruits par leurs propres équipages lorsqu'ils sont abandonnés, principalement en raison de diverses pannes mécaniques ou du manque chronique de carburant dans les phases finales de la guerre. Le canon utilisait des munitions en 2 parties, ce qui signifiait que le projectile principal et la charge propulsive en étui étaient chargés séparément dans la culasse du canon. Deux chargeurs étaient donc nécessaires, un pour chaque type.
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Ce qui pourrait être la présentation à Adolf Hitler, le jour de son anniversaire (20 avril 1944) du démonstrateur de Porsche du futur Jagdtiger à Kummersdorf. -
L'as du char Otto Carius dans son Tiger I commandait la 2ème des 3 compagnies de Jagdtiger dans le 512ème Bataillon de Panzerjäger Lourds. Ses mémoires d'après-guerre, Tiger im Schlamm (Des Tigres dans la boue), fournissent une histoire de combat rare des 10 Jagdtiger placés sous son commandement. Il déclare que les Jagdtiger ne furent pas utilisés à leur plein potentiel en raison de plusieurs facteurs, parmi lesquels le fait que la suprématie aérienne des Alliés rendait les manœuvres difficiles et que l'énorme canon lourd devait être recalibré pour éviter les secousses après avoir voyagé hors route même pour de courtes périodes. L'énorme canon principal de 128mm devait être verrouillé pendant les manœuvres du véhicule, sinon ses supports de montage se seraient trop usés pour un tir précis par la suite. En tant que tel, un membre d'équipage devait sortir du véhicule au combat et déverrouiller le canon de son verrou de voyage monté à l'avant avant de tirer. Selon Carius, au combat, il enregistra qu'un obus de 128mm traversa les murs d'une maison et détruit un char américain derrière.
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Portrait du premier lieutenant Otto Carius avec une Croix de Fer de Chevalier de la Croix de Fer avec des feuilles de chêne. -
La formation insuffisante des équipages des véhicules et leur mauvais moral au cours de la dernière étape de la guerre étaient les plus gros problèmes pour les membres d'équipage du Jagdtiger sous le commandement de Carius. Dans la poche de la Ruhr, deux commandants de Jagdtiger ne réussirent pas à attaquer une colonne blindée américaine à environ 1,5 km en plein jour de peur d'attirer une attaque aérienne alliée, même si les Jagdtiger étaient bien camouflés. Les deux véhicules tombèrent en panne alors qu'ils se retiraient précipitamment par peur de l'attaque aérienne supposée qui ne se concrétisa pas et l'un d'eux fut ensuite saborder. Pour éviter un tel désastre, à Siegen, Carius lui-même creusa son véhicule de commandement sur un terrain élevé. Une colonne blindée américaine approchant évita son embuscade préparée parce que les civils allemands à proximité les en avertirent. Plus tard, l'un de ses véhicules tomba dans un cratère de bombe la nuit et fut sabordé tandis qu'un autre fut perdu lors d'une attaque de Panzerfaust par des troupes de la milice amie de Volkssturm qui n'avaient jamais vu un Jagdtiger auparavant et l'avaient peut-être identifié à tort comme un véhicule blindé allié. Le premier Jagdtiger perdu au combat eut lieu lors de l'offensive ratée de l'opération Nordwind en France en 1945. Bien que le véhicule le plus lourdement blindé à servir pendant la Seconde Guerre Mondiale, ce Jagdtiger fut perdu non pas pour combattre avec d'autres véhicules blindés ou avions mais par l'infanterie américaine utilisant un bazooka, qui à l'époque était considéré comme une arme peu puissante et inefficace pour contrer un véhicule aussi massif.
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Jagdtiger n°331 de la 3ème Compagnie du 653ème Bataillon de Panzerjäger Lourds sabordé à Neustadt en mars 1945. -
Près d'Unna, un Jagdtiger escalada une colline pour attaquer 5 chars américains à 600 m de là, conduisant 2 à se retirer et les 3 autres à ouvrir le feu. Le Jagdtiger reçut plusieurs coups, mais aucun des projectiles américains ne put pénétrer le blindage frontal de 250mm d'épaisseur de la casemate du véhicule. Cependant, le commandant allemand inexpérimenté perdit ensuite son sang-froid et se retourna au lieu de reculer, exposant ainsi le blindage latéral plus mince, qui fut finalement pénétré et les 6 membres d'équipage moururent sur le coup. Carius écrit qu'il était inutile, lorsque les équipages n'étaient pas suffisamment entraînés ou expérimentés, de s’équiper avec des véhicules aussi blindés de face. Lorsqu'il ne put pas échapper à la poche de la Ruhr, Carius ordonna la destruction des canons des Jagdtiger restants pour empêcher les véhicules intacts de tomber entre les mains des Alliés, puis de se rendre aux forces américaines. Les 10 Jagdtiger de la 2ème Compagnie du 512ème Bataillon Panzerjäger détruisent un char américain pour un Jagdtiger perdu au combat, perdu à cause d'un tir ami et 8 autres perdus à cause d'une panne mécanique ou de la destruction par leurs propres équipages pour empêcher la capture par les forces ennemies. Le 17 janvier 1945, deux Jagdtiger utilisés par le 14ème Corps engagèrent une ligne de bunker en soutien à l'assaut de l'infanterie près d'Auenheim. Le 18 janvier, ils attaquèrent 4 bunkers sécurisés à une distance d’1 km. La coupole blindée d'un bunker brûla après 2 coups de feu. Un Sherman attaquant dans un combat de contre-poussée fut incendié par des HE. Le combat total vit l'utilisation par les 2 véhicules de 46 HE et 10 APC, sans aucune perte pour les Jagdtiger.
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Ce Jagdtiger de la 2ème Compagnie du 653ème Bataillon de Panzerjäger Lourds est l'objet de toutes les curiosités de la part de soldats Américains dans la ville de Zeiskam (Allemagne) près d'un passage à niveau. Il faisait partie du Groupe de Combat « Göggerie ». Un tir au but dans la chenille avant droite immobilisa l'engin qui fut ensuite sabordé par l'équipage. La chaleur dégagée par l'explosion fit littéralement s'effondrer sur ses barres de torsion qui cédèrent sous le poids. -
En avril 1945, le 512ème Bataillon de Panzerjäger Lourds vit beaucoup d'action, en particulier le 9 avril, où la 1ère Compagnie engagea une colonne alliée de Sherman et de camions depuis des positions en hulldown et détruisit 11 chars et plus de 30 cibles non blindées ou légèrement blindées, certains des chars ennemis ayant été détruits à une distance de plus de 4 km. L'unité de combat ne perdit qu'un seul Jagdtiger dans cet incident, après l'apparition des chasseurs-bombardiers P-47 Thunderbolt. Au cours des deux jours suivants, la 1ère Compagnie détruit 5 autres Sherman avant de devoir se rendre aux troupes américaines à Iserlohn. Pendant ce temps, la 2ème Compagnie combattait toujours mais avec peu de résultats. Le 15 avril 1945, l'unité se rendit sur la Schillerplatz à Iserlohn.
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Un soldat de la 1ère Armée Américaine se tient aux côtés d'un char ennemi non identifié qui fut détruit dans les bois d'Offensen, en Allemagne, par un Sherman du 750ème Bataillon, travaillant avec la 104ème Division d'Infanterie, 1ère Armée Américaine. Le char allemand a un canon de 128mm et mesure environ 1,80 m de plus qu'un Tiger II.
Jägdpanzer VI Ausf. B Jagdtiger